![]()
|
Les fêtes juives Un dossier Alliance Réalisé par Aharon |
![]() |
Mon miracle de 'Hannoucah
Chochana Egozi de Guivat Savion raconte.
Hannoucah
5704 (1943).

Je suis avec une trentaine de jeunes filles juives, retournant vers notre baraquement
dans le camp de travail forcé de Brandsdorf, en Slovaquie. Toute la journée,
nous avons travaillé dans une usine de textile qui fournit l'armée
allemande, et nous en revenons ce soir exténuées, sous une tempête
de neige, sous la surveillance de soldats allemands.
Chacune d'entre
nous est enfoncée dans ses pensées, ses souvenirs. J'ai 17 ans,
et ce soir je pense surtout à Hannoucah. Aux Hannoucah de mon enfance,
à Kalze en Pologne. Je me revois entourée de mes six frères
et sœurs, aux côtés de notre père, le Rav Yé'hiel
Aharon Sprinfeld, Rav et Cho'het apprécié de tous. Il y a six
mois, les Allemands l'avaient attrapé dans la rue, et lui avaient coupé
la barbe sur la moitié de son visage. Je le revois encore rentrer à
la maison, le regard terrible, les yeux éteints.
Je revois ensuite mon plus jeune frère Avraham, élève doué
à la Yéchivah 'Hakhméi Lublin. Un bel enfant. Un jour ces
bêtes sauvages nazies l'ont tiré de la synagogue où il priait
avec mon père, et l'ont tué devant lui Pour la simple raison "qu'un
enfant si beau n'a rien à faire chez les juifs".
Je
ne sais pas ce soir là qu'un sort identique a été réservé
à ma mère, mes autres frères, 'Haïm, Yossi, Moïchelé,
et ma sœur Feigele, dans l'enfer d'Auschwitz. Mon père fut assassiné
quelques mois avant la fin de la guerre.
Deux petits coups sur la fenêtre me tirent de mes pensées. C'est
Hans, un gamin du voisinage qui se glisse régulièrement dans le
camp pour nous apporter furtivement quelques bonnes attentions: du pain un fruit…
Nous nos sommes demandées à plusieurs reprises si ce bonhomme
n'a pas du sang juif pour prendre de tels risques pour nous.
Ce soir là il nous jette au travers de la fenêtre un sac avant
de disparaître dans la nuit. Des pommes de terre! Et quelle odeur elles
répandent! Un miracle de Hannoucah sans aucun doute pour chacune d'entre
nous. Mais nous ne sommes pas au bout de notre surprise: une fois le sac ouvert,
un des filles s'exclame: "regardez, il y a neuf pommes de terre!" Un chiffre
pas anodin un soir de Hannoucah.
Il n'est plus question de manger ces pommes de terre comme ça! Nous les
alignons. Huit patates alignées l'une à côté de l'autre,
puis la neuvième un peu plus loin, comme un "chamach".
C'est alors que "Maoz Tsour" le chant de Hannoucah jaillit de toutes les bouches.
"Toi le Rocher de ma délivrance, c'est à Toi qu'il convient de
porter des louanges".
Nous sommes restées longtemps autour de nos "bougies", chantant silencieusement
les yeux fermés ou embués, accrochées à ces instants
fugitifs d'un bonheur passé.
Tout d'un coup, la porte est ouverte rageusement par deux SS. Malgré
nos efforts pour chanter "en silence" ils nous ont entendues. On n'a pas le
droit de chanter lorsqu'on est prisonnier! L'un d'entre eux découvre
l'objet de notre recueillement, et s'approche à grands pas pour écraser
une à une les pommes de terre. "Une, deux, trois … neuf".
Leurs yeux crachent du feu et de la haine encore plus que d'habitude. Ces quelques
instants de satisfaction que nous leur avons volés les ont mis en rage.
Sous un flot d'injures, chacune reçoit neuf coups de matraque. Mais cela
ne leur suffit pas.
"Qui vous a donné ces patates?"
Toutes se taisent.
"Vous avez 24 heures pour dénoncer le coupable. Si vous ne parlez pas,
cela vous coûtera très cher."
Sur le point de sortir, l'un se retourne. "Demain soir, si vous ne parlez pas,
on vous met en rang et on en tue une sur neuf" aboie-t-il.
Une nuit pénible nous attend. Une chute difficile après ces instants
de Hannoucah. Toute la journée, la tension est extrême, et nous
prions D.ieu pour ôter de nous cette nouvelle épreuve.

Et le miracle
se produit. Ce soir là, c'est le 24 décembre. Les allemands sont
agités, pressés d'aller faire la fête, de s'enivrer. Ils
dansent, chantent, crient. Bref ils nous ont complètement oubliées.
Certes, nous poursuivons nos prières, mais c'est plus pour remercier
D.ieu. L'ultimatum est passé, et plus aucun allemand n'en reparlera.
Un véritable miracle de Hannoucah!
Grâces à D.ieu, je suis maintenant mère et grand mère,
et je ne manque pas de raconter chaque année mon miracle de Hannoucah
à mes six petits enfants.
Cette histoire
personnelle racontée par Mme Chochana Egozi de Guivat Savion est parue
dans "Sihat Hachavoua, Conversation de la semaine, Kfar Habad, n° 779,
Décembre 2001..
Réalisé par Aharon - www.milah.fr