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Les fêtes juives Un dossier Alliance Réalisé par Aharon |
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Hannoucah à
Bergen Belsen
Il
était arrivé à Bergen Belsen par un des derniers convois.
Reb Schmelke comme tous l'appelaient était un juif d'une soixantaine
d'années, de grande taille et d'allure impressionnante. Plus que tout,
ses yeux dénotaient tout son être: ils exprimaient une chaleur
humaine expansive, et plus encore une joie intérieure, marchandise rare
et appréciée au milieu de l'ouragan qui traversait le monde juif
de ces années là.
Il était passé par plusieurs camps de travail, comme la plupart
des internés, et avait reçu sa part de souffrances: les coups,
la faim, les humiliations. Malgré ceci, quelque chose dans son aspect
et son comportement laissait entendre qu'il était un cran au-dessus de
tout ça.
Son vrai nom était Reb Chmouel Schmelke Schnitsler, il était 'Hassid
et Talmid 'Hakham (érudit), d'origine hongroise. Nul ne savait d'où
il tirait ses forces pour tenir le coup et soutenir ses compagnons de misère.
Il semblait en tout cas disposer d'une source d'énergie inépuisable.
"Le Juif et le désespoir sont deux choses incompatibles" aimait-il à
répéter autour de lui.
Il ne ratait pas une occasion d'organiser la prière en Minyan (groupe
de dix) surtout le Chabbat, et le soir tous se regroupaient autour de lui pour
écouter des histoires des Sages des générations passées
ou présente qui transportaient ses auditeurs loin de leur sordide présent
et leur faisaient oublier les coups et leur détresse.
Il avait su de plus trouver grâce aux yeux de certains des SS du camp,
et ne manquait pas rassembler les cadavres de ceux qui étaient morts
dans le camp. La faim, la fatigue, le froid, les maladies frappaient sans cesse.
Il allait chercher les corps dans les baraquements, s'efforçait de les
traiter avec les honneurs dus à un mort. Il effectuait son travail comme
un sacerdoce semblable à celui de la 'Hevra Kadicha (société
funéraire qui veille aux soins funèbres). des soucis d'un tout
autre genre.
On était effectivement à quelques jours de 'Hannoucah selon ses
calculs, et il se préoccupait de trouver de l'huile pour allumer les
bougies.
Il en avait parlé autour de lui, mais qui pouvait posséder une
telle marchandise dans ce camp? Mais il lui en fallait plus pour se décourager.
Autant que son envie d'accomplir la Mitsvah, il entrevoyait l'effet qu'aurait
un tel geste sur le moral de ses frères. Il souhaiterait justement que
les lumières de 'Hannoucah viennent illuminer cette grande obscurité
dans laquelle se trouvaient les juifs, qu'elles leur remémorent la victoire
d'une minorité sur le grand nombre, la victoire de la pureté sur
l'impureté …
L'avant veille de 'Hannoucah, alors que Reb Schmelke se hâtait vers une
des baraques pour en ôter un mort, son pied glissa dans un trou, non loin
de la clôture du camp. De fait, on avait creusé ici un trou, mal
rebouché. Jetant un coup d'œil, Reb Schmelke y aperçut un objet
brillant. Il s'accroupit, remua un peu la terre, et en extrait une petite bouteille,
remplie d'un liquide épais. Après avoir ouvert le bouchon, il
se rendit à l'évidence: c'était de l'huile!
Sous le flacon, il semblait se trouver autre chose. Creusant encore un peu,
il en vint à se demander s'il avait perdu la raison: au fond du trou,
un petit sac de tissu contenant huit godets et huit mèches!
Reb Schmelke remit son trésor miraculeux au fond du trou. Ce serait trop
bête de se faire prendre d'ici demain soir avec de tels objets sur soi.
Toute la journée, il vaqua à ses occupations, en demandant à
la ronde si … quelqu'un n'avait pas caché de l'huile dans un coin. Ses
compagnons le regardèrent en se demandant s'il n'était pas tombé
sur la tête.
Le lendemain soir, tous ses compagnons de chambre se pressèrent autour
de Reb Schmelke pour allumer la première bougie. Avec une émotion
intense, Reb Schmelke récita les bénédictions de l'allumage.
Baroukh Ata … acher kidechanou bemitsvotav vetsivanou lehadlik ner 'hannoucah.
Baroukh …ché-assa nissim la-avoténou bayamim hahem bizman hazé.
Baroukh … chee’heyanou vekiyemanou vehiguianou lizmane hazé.
Il tremblait de tout son corps lorsqu'il approcha l'allumette de la petite mèche.
Et 'Hannoucah fut ainsi fêté à Bergen Belsen durant huit
jours.
Les jours
passèrent, les semaines passèrent, les mois passèrent.
Reb Schmelke poursuivit son travail au camp, tant auprès des morts qu'avec
les vivants qu'il s'efforçait de "faire vivre". Il survécut à
la désintégration de la puissance allemande, à la libération
du camp. Il retourna en Hongrie pour tenter de rassembler tous ceux qui avaient
survécu sur place ou qui étaient rentrés après la
libération des camps, et quitta la Hongrie pour le monde libre.
Des années plus tard, ses voyages l'amenèrent jusqu'aux Etats
Unis où il rencontra le Rabbi Yoël Teitelbaum, Rabbi de Satmar.
Le Rabbi avait déjà entendu parler de lui et de sa forte personnalité,
et le reçut avec chaleur. Au cours de la conversation, il déclara:
"J'ai entendu que tu as allumé les bougies de 'Hannoucah à Bergen
Belsen!?
Mais d'où le Rabbi a-t-il entendu ceci?
J'ai entendu, j'ai entendu…" répondit le Rabbi avec un large sourire.
Puis il se pencha vers Reb Schmelke:
"C'est moi qui ai caché là bas l'huile et les mèches avant
d'être libéré de façon miraculeuse de ce camp."
Reb Schmelke dévisagea avec stupeur le Rabbi.
"J'étais sûr qu'au bon moment, ceci serait trouvé par un
homme capable de faire ce qu'il faut avec cette huile…"
Aharon
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