Mise
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Site
des fêtes juives |
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Kislev 5763.
Le Rav Binyamin Scheiman, Rabbin à Des Plaines, Illinois, préparait
sa campagne de 'Hannoucah. Il est visiteur des prisons, entre autres tâches
qu'un représentant du Bon D.ieu se doit de faire.
Le voici donc dans une de ces prisons de haute sécurité, muni
du "matériel" comme du spirituel convenant au partage des
valeurs de 'Hannoucah. Comme d'habitude, une visite de courtoisie s'imposait
auprès de l'aumônier de la prison, auquel il a l'habitude de
présenter les diverses brochures destinées aux pensionnaires
juifs. Mike Green, 43 ans, était pasteur protestant profondément
religieux, fort amical envers les prisonniers juifs. N'a-t-il pas écrit
un jour dans une des publications de sa paroisse que le verset "Je bénirai
ceux qui te bénissent" (Berechit 12, 3) signifie que D.ieu accorde
sa bénédiction à ceux qui chérissent le Peuple
Juif. Il avait même au fond de ses tiroirs une paire de Tefilin, pour
le cas ou un prisonnier juif demande à les mettre.
Mais écoutons le récit du Rav Scheiman.
"Je lui ai présenté ce jour là tous mes documents,
y compris notre brochure sur 'Hannoucah. Une histoire, quelques lois et coutumes,
le sens de la fête à cette époque et sa signification
de nos jours, les directives pour l'allumage des bougies, diverses recettes
de beignets et latkès sans lesquels 'Hannoucah pourrait manquer de
goût. Des beignets sucrés, salés, à la confiture,
au fromage, selon les diverses coutumes du Peuple Juif. Le prêtre parcourut
rapidement les diverses pages, pour s'attarder sur la page des recettes. Rien
d'étonnant, vu son gabarit, me dis-je, à ce qu'il sache apprécier
une recette de cuisine.
Mon étonnement vint d'ailleurs.
"Exactement la recette de ma grand-mère!" Surpris, je tentais
"mais votre grand-mère n'était-elle pas une protestante
dévote? - Non, ma grand-mère était juive, mais elle et
son mari qui n'était pas juif ont tout fait pour ne pas en parler.
J'étais encore enfant lorsqu'ils sont morts, mais je me souviens encore
des visites au cimetière juif avec eux, et plus encore de ces spécialités
de pomme de terre qu'elle préparait à 'Hannoucah.
Je me suis toujours dit que j'étais un quart juif, puisque à
part ma grand-mère, les deux parents de mon père étaient
des irlandais pur jus…" J'étais au comble de la surprise…
L'aumônier protestant était donc un juif! Avec prudence et des
mots choisis, je me mis en devoir de lui expliquer que si sa grand-mère
était juive, sa mère l'était aussi et qu'il était
donc lui-même juif pleinement et non "au quart" au regard
de la loi juive. Ce fut son tour d'être surpris. Il mit du temps à
digérer l'histoire. Je lui proposai sans tarder de mettre les Tefilin,
ce qu'il accepta de bonne grâce. Alors que j'entourais les lanières
autour de son bras, et récitais "Chéma Israël"
avec lui, je sentais son intense bouleversement. Il ressentait avec étonnement
l'opposition absolue entre les gestes qu'il faisait et sa fonction de prêtre.
Le Rav Scheiman revint chez lui bouleversé. Il ne se contenta pas des
souvenirs d'enfance de Mike, et contacta avec lui une vieille tante qui habitait
à Peoria, une autre ville de l'Illinois. Elle se souvenait encore de
la Brit Milah de Mike, qui avait été nommé Mordekhay
'Haïm. Elle prévint Mike d'être très diplomatique
avec son propre père, qui supporterait mal de voir son fils s'afficher
comme juif. Mike lui fit remarquer qu'il était assez grand pour mener
sa vie comme il l'entendait.
Mike commença à se rapprocher du judaïsme. Il veilla à
ne pas confier trop tôt ses parents les bouleversements qui l'agitaient.
Il se mit à pratiquer des Mitsvot de base, et progressa pas à
pas, malgré les réactions mitigées de son entourage,
l'opposition franche de ses amis du clergé, voire des prisonniers qu'il
avait visités.
Il eut le redoutable défi d'apprendre le judaïsme et se défaire
des modes de pensée et pratiques dans lesquels il avait grandi et exercé.
Sa femme eut une réaction surprenante: elle me dit qu'elle comprenait
maintenant pourquoi Mike avait l'habitude chaque année d'envoyer un
don au Bné Brit et au KKL.
Mike ne se contenta pas de revenir à ses sources. Au terme de quelques
mois et épreuves, il fit la demande auprès des autorités
de la Justice pour poursuivre ses activités d'aumônier, mais
cette fois en tant que rabbin, et non plus comme pasteur protestant. Rabbin
Mordekhay 'Haïm Green.
Et tout ça par le mérite d'une recette de beignets, conclut
le Rav Scheiman.
Traduit de Si'hat Hachavoua, N° 1198, Hannoucah 5770