Les fêtes juives
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Pour qui sont ces Matsot?

La relation est de la plume de Rabbi Nosson Scherman.
Traduction française publiée dans "Un chemin dans les cendres", Editions Raphaël, 1993.

Rabbi Israël Spira, le Rabbi de Bluzhev était Rav de Prochnik, en Pologne, jusqu'à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Il a livré quelques-uns uns de ses souvenirs au Jewish Observer de Juin 1978.
Note: Nous avons demandé aux Editions Raphael une autorisation de publier ce document, mais le courrier est revenu.

Deux semaines avant Pessa'h, il n'y avait pas de Matsah. Le Rav de Bluzhev alla trouver le commandant Haas du camp de concentration avec cette requête audacieuse:
" Nous désirons célébrer notre fête religieuse en faisant cuire de la Matsah. Nous ne demandons pas de rations supplémentaires. Tout ce que nous demandons, c'est qu'on nous donne de la farine à la place du pain et qu'on nous autorise à construire un petit four en briques pour notre propre usage.
Nous ferons tout cela en dehors des heures de travail habituelles".
L'officier répondit que la demande serait transmise à Berlin. A la stupéfaction générale, la réponse ne fut pas d'exécuter les "chiens" qui avaient osé demander cela, mais de leur accorder ce privilège.
Au cours des journées bien remplies qui précédèrent Pessa'h, l'une des femmes du camp sentit qu'elle était sur le point d'accoucher. On l'emmena à l'hopital le plus proche. Mais quelqu'un dissimula dans ses bagages une lettre pour la Suisse. Cette lettre décrivait les conditions inhumaines qui régnaient dans le camp et suppliait celui qui la recevrait de trouver un moyen d'envoyer des colis de nourriture pour prévenir la famine.
D'habitude, les malades qui allaient à l'hôpital trouvaient un moyen d'envoyer ces lettres, mais ce ne fut pas le cas. La lettre fut découverte et remise au commandant Haas. Furieux, il décida de se venger sur le Rabbiner auquel il venait d'accorder une faveur "Rabbiner Spira, j'ai eu la bonté de vous laisser cuire vos sales Matsot et vous me récompensez en envoyant une lettre ingrate et pleine de mensonges!" Le Rav répondit calmement qu'il ignorait tout de cette lettre, et qu'il n'avait pas participé à son envoi.
"Mais vous êtes le Rabbiner. Si vous ne savez pas qui l'a envoyée, vous avez les moyens de le découvrir. Si vous ne me révélez pas d'ici vingt-quatre heures qui est l'auteur de cette lettre, je vous ferai fusiller."
Le Rav de Bluzhev répondit: " Je vous répète que je ne sais rien de cette lettre. Mais si je le savais, ou si je l'apprenais, je ne vous le dirais pas. Vous devriez donc me fusiller tout de suite."
Haas fit demi-tour. Personne ne sut jamais pourquoi cet assassin notoire n'ajouta pas une victime à sa liste. Il brisa le four à Matsot d'un coup de botte et repartit.
Mais les Matsot avaient déjà été cuites.
La question était désormais de savoir comment les partager. L'opinion générale était qu'il fallait en donner aux adultes auxquels la Torah ordonnait de manger de la Matsah. Les enfants n'avaient pas ce devoir et ne devaient donc pas épuiser la maigre réserve de Matsah. Mais une voix s'éleva pour protester, celle d'une femme.
Dans le camp se trouvait une femme qui s'était occupée de ses deux fils et de ses trois neveux tout au long de la guerre. Elle venait d'une famille distinguée qu'elle était loin de déparer.
"Nous devons reconstruire le peuple juif avec nos enfants, objecta-t-elle. Ce sont justement eux qui doivent recevoir des portions de Matsah, car si nous sortons un jour de ce Mitsraïm (Egypte), ils représentent notre avenir."
La responsabilité des enfants n'était pas une simple notion théorique pour elle. Elle avait appris que quelqu'un dans le camp possédait un Tanakh de Bernfeld avec une traduction en Allemand. Elle l'avait acheté pour trois livres de pain - une fortune en termes de faim et de souffrances - afin de pouvoir éduquer ses enfants, comme elle le fit effectivement pendant deux ans. Eloquente, passionnée, convaincante, elle emporta la décision et par horaat cha'a (décision exceptionnelle) les enfants reçurent de la Matsah.
En cette nuit de Pessa'h, le Rav de Bluzhev dirigea le Seder pour les enfants du camp de la mort.
Au lieu de vivre en liberté et d'étudier l'esclavage et la rédemption dans les livres, ils apprirent, eux qui vivaient dans l'esclavage, l'espoir de la rédemption et de la liberté.
Il commenta les Quatre Questions pour expliquer l'expérience du camp de concentration.
Il leur dit que le mot "avadim", esclaves, est composé des initiales de "David ben Yichaï Avdekha Mechi'hékha: David, fils de Jessé, Ton serviteur, Ton oint".
Il leur dit qu'un jour, ils verraient dans le souvenir de la plus noire des nuits de l'exil, le prélude à une nouvelle rédemption.
Aujourd'hui, ces enfants, qui avaient étudié sur un Tanakh acheté avec du pain et mangé des matsot cuites avec des larmes, sont les chefs de la renaissance de la Torah en Amérique, en Angleterre et en Israël.