Michloa'h Manot 'Hassidique

Offert par le Beth Loubavitch et ses représentants

A l'occasion de Pourim 5760

Avant Propos
Diplomatie juive
Soumission et compréhension
Quatre signes distinctifs
Extrait de lettre

Avant Propos

Pourim est la seule fête de notre calendrier commémorant à la fois le salut du corps et de l’âme. En effet, le décret de Haman commandait l’extermination d’Israël et, simultanément, il accordait la vie sauve à quiconque abjurait. La réaction du peuple juif fut unanime. Sous la conduite de Mordékhaï, tous, hommes, femmes et enfants, firent don d’eux-mêmes, au-delà de toute rationalité et se renforcèrent dans l’étude de la Torah et la pratique des Mitsvot. Alors, se révéla le salut divin.
La dimension matérielle est, certes, déterminante, à Pourim. Il convient, en ce jour, d’offrir deux mets à un ami et des dons à deux pauvres. Pour autant, la spiritualité n’y est en aucune manière absente. Et, conformément à l’adage ‘hassidique, les Juifs apportent alors un présent à leur âme intellectuelle, amie de leur âme divine, en lui permettant d’accéder à la compréhension des profondes explications que développent nos Sages, à propos de cette fête. Ils font, en outre, un présent aux deux pauvres que sont leur âme animale et leur corps. De la sorte, tous deux peuvent recevoir l’élévation et assumer la mission qui leur est confiée, dans le service de D.ieu.
Le but du présent fascicule et de permettre à chacun de prendre connaissance des merveilleuses explications que développe la pensée ‘hassidique, à propos de la fête de Pourim. On y trouvera donc la traduction libre de causeries et de lettres du Rabbi de Loubavitch, relatives à cette fête. L’originalité de ces textes apportera à tous les moyens de considérer Pourim sous un jour nouveau, comme si les événements commémorés s’étaient déroulés sous nos yeux. De fait, enseigne le Baal Chem Tov, " celui qui lit la Meguilah en la considérant comme un récit du passé ne s’est pas acquitté de son obligation ".
Puisse D.ieu faire que nous progressions, d’une joie vers l’autre, de la fête de Pourim vers la célébration de Pessa’h et que nous connaissions, très prochainement, la délivrance véritable et complète, par notre juste Machia’h.

Beth Loubavitch, Pourim 5760

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Diplomatie juive

(Discours du Rabbi, Pourim 5717-1957)

1. La fête de Pourim commémore le miracle par lequel D.ieu sauva le peuple d’Israël du décret de Haman.
De fait, cette période de l’histoire fut l’une des plus heureuses que connurent les Juifs. Ceux-ci occupaient une place proéminente dans le royaume. Mordékhaï, le chef du Sanhédrin, était un ministre et l’un des conseillers les plus proches du roi. Esther était la reine et nos Sages disent que " l’épouse d’un homme est partie intégrante de sa propre personne ". Il n’est pas d’autre exemple, dans toute l’histoire juive, d’un roi dominant le monde dont l’épouse était juive.
On aurait pu, tout naturellement, penser qu’à aucune autre époque de l’exil, l’existence d’Israël ait été aussi fortement protégée que du temps d’Assuérus.
La réalité fut le contraire de tout cela. C’est à une époque aussi sûre que fut prononcé ce décret d’extermination, " de supprimer, de tuer et de faire disparaître tous les Juifs, les jeunes gens et les vieux, les enfants et les femmes, en un seul jour ", ce qu’à D.ieu ne plaise.
Jamais une décision aussi terrible ne fut prise à l’encontre des Juifs. Jamais ne fut promulgué un décret prononçant l’extermination de la totalité du peuple d’Israël. C’est uniquement à l’époque d’Assuérus qu’il en fut ainsi.
Dans les autres exils, tous les Juifs n’étaient pas regroupés en un même endroit. Nos Sages constatent que " le Saint béni soit-Il fit un acte de bonté envers le peuple d’Israël en le dispersant parmi les nations ", car, même si un peuple persécute les Juifs se trouvant dans ses frontières, ce qu’à D.ieu ne plaise, il ne pourra pas s’en prendre à ceux qui résident dans les autres pays. Bien plus, les Juifs faisant l’objet de ces persécutions conservent également la possibilité de s’enfuir à l’étranger.
A l’époque du Pharaon, tous les enfants d’Israël étaient effectivement soumis à son pouvoir et nos Sages affirment qu’il était impossible de s’enfuir de l’Egypte. Pour autant, tous n’étaient pas en danger. Les Sages précisent, en effet, que " son décret portait uniquement sur les mâles ".
Tous les Juifs, en revanche, se trouvaient sous l’emprise d’A’hachvéroch. Ils n’avaient pas le pouvoir de s’échapper, puisque son règne s’étendait sur le monde entier. Ils ne pouvaient donc quitter son royaume. De plus, il entendait mettre son décret à exécution " en un seul jour ". Il n’y avait donc pas le temps de s’enfuir. En effet, le décret portait bien sur l’ensemble des Juifs, sans aucune distinction.
Comment un décret aussi terrible put-il être promulgué précisément à une époque en apparence si sûre ? Le traité Méguilah 12a répond à cette question et précise ce qui fut à l’origine de ce malheur : " Ils profitèrent du festin organisé par cet impie ", par Assuérus.
Ce qui vient d’être dit nous permet d’établir clairement que les Juifs ne sont en aucune façon soumis aux lois de la nature. Les événements auxquels ils sont confrontés dépendent strictement de la manière dont ils appliquent la Torah et les Mitsvot.
En l’occurrence, un tel décret était, à cette époque, absolument inconcevable. Malgré cela, lorsque les Juifs " profitèrent du festin organisé par cet impie " et s’y trouvèrent confrontés à ce qui n’était pas cacher, des persécutions leur furent infligées, ce qu’à D.ieu ne plaise.
2. La manière dont les Juifs furent sauvés délivre également le même enseignement. Car, l’abrogation du décret fut tout aussi surnaturelle. Elle découla de la Téchouvah et de l’attachement à D.ieu.
En effet, on aurait pu imaginer que Mordékhaï et Esther, quand il eurent connaissance du décret, formaient une délégation diplomatique, chargée d’aller négocier avec Assuérus. Or, raconte la Méguilah, Esther dit à Mordékhaï, avant toute autre chose : " Va, réunis tous les Juifs se trouvant à Suze. Vous jeûnerez pour moi, vous ne mangerez pas et vous ne boirez pas pendant trois journées, nuit et jour ". Telle fut leur première démarche pour annuler ce décret.
Bien plus, Esther dit encore à Mordékhaï : " Moi et mes servantes, nous jeûnerons également ". Or, le pouvoir que possédait Esther d’intervenir auprès d’Assuérus découlait du fait que " elle trouva grâce devant lui plus que toutes les autres jeunes filles ", comme en atteste le verset. Il était naturellement inconcevable que trois jours de jeûne augmentent sa grâce. Agir ainsi ne pouvait que lui causer du tort. Dès lors, comment se permit-elle de jeûner ?
La réponse à cette question est la suivante. Il était impossible d’expliquer naturellement le décret et il en fut de même pour la manière dont ils en furent délivrés. Le salut découla de la Téchouvah, que l’on peut réaliser également en jeûnant.
Lorsque les Juifs de Suze prirent la décision de jeûner, nul n’eut le droit de se soustraire de la communauté en refusant cette pratique. Dès lors, Esther affirma que " moi et mes servantes, nous jeûnerons également ". Certes, elle diminuait ainsi sa grâce et nul n’a le droit de s’en remettre au miracle. On doit agir en empruntant les voies de la nature. Mais, il n’y a là qu’un semblant, nullement la vraie raison du miracle.
L’apparence naturelle n’est donc que secondaire. Si la cause véritable, en l’occurrence la nécessité de se renforcer dans la Torah et les Mitsvot, est obtenue, cette apparence, même imparfaite, est amplement suffisante.
Néanmoins, la période de l’exil impose un voile du Divin. C’est la raison pour laquelle ce décret et la manière dont on en fut sauvé prirent l’apparence d’événements naturels. Mais, la motivation véritable de toute chose est la Torah et les Mitsvot. Le décret fut prononcé lorsque " ils profitèrent du festin organisé par cet impie ". Il fut abrogé quand ils jeûnèrent et accédèrent à la Téchouvah.
3. Un enseignement découle de ce qui vient d’être dit, en particulier pour la présente époque.
Certains prétendent qu’il n’est pas d’autre moyen de maintenir le peuple juif, pendant la période de l’exil, que le recours à la diplomatie et aux voies naturelles et ils en citent pour preuve l’intervention d’Esther auprès d’Assuérus.
Il faut, tout d’abord, avoir conscience que de telles personnes font une interprétation erronée de la Torah et une lecture inexacte de la Méguilah. De plus, elles remettent en cause, par leur raisonnement, ce qui est à la base même de la pérennité juive.
Commentant le verset " Vous vous trouvez tous aujourd’hui devant l’Eternel votre D.ieu ", nos Sages disent : " Même si le monde entier chancelle, vous tiendrez bon ". En effet, la survie du peuple juif est tout à fait particulière. Celle des autres peuples est fonction des lois de la nature, alors que les Juifs les transcendent et sont uniquement soumis à la Torah et aux Mitsvot.
Lorsque surviennent le malheur et l’oppression, ce qu’à D.ieu ne plaise, on ne peut s’en remettre à la diplomatie et aux interventions naturelles auprès des autres nations. La survie juive ne peut être obtenue de cette façon. Chacun doit, bien au contraire, établir un bilan moral de sa propre situation, rectifier ce qui doit l’être, se renforcer dans la pratique de la Torah et des Mitsvot. C’est uniquement après cela qu’une intervention naturelle peut avoir un sens.
Bien plus, même si la situation est telle que la survie d’autres peuples serait inconcevable, dans de telles conditions, il est dit, à propos des Juifs, que " vous vous trouvez tous aujourd’hui devant l’Eternel votre D.ieu ", de la manière la plus forte.
Il ne faut donc pas se préoccuper de l’avenir du peuple juif, tel que nous pouvons le considérer de nos yeux de chair, selon les critères de la nature. Il nous appartient uniquement de nous renforcer dans la Torah et les Mitsvot. Par la suite, le réceptacle matériel que nous forgerons, quel qu’il soit, saura révéler le salut divin et surnaturel.
4. Nous venons de voir que le peuple d’Israël n’est pas soumis aux lois de la nature. En fait, on peut en dire de même également pour chaque Juif, à titre individuel.
Chaque Juif doit savoir que tous les événements auxquels il est confronté sont décidés par D.ieu et qu’ils surviennent sur Son intervention. Or, le Tout Puissant, c’est bien clair, n’est nullement limité par les lois de la nature.
Certes, il est dit que " l’Eternel te bénira " précisément " en tout ce que tu feras " et il est donc nécessaire d’agir. Pour autant, il appartient uniquement à l’homme de forger un réceptacle dans lequel pourra se révéler la bénédiction divine, qui est déterminante. Pour l’obtenir, il faut se lier à Lui, par l’étude de la Torah et la pratique des Mitsvot. Et, lorsque l’on détient l’essentiel, on peut être certain de connaître la réussite, quel que soit le réceptacle que l’on façonne.
5. Ce qui vient d’être dit nous permettra de comprendre la remarque que formule le Yerouchalmi, à propos d’un agriculteur : " Il marque sa foi en Celui Qui possède la vie éternelle lorsqu’il sème ". Or, on peut se demander pourquoi un tel homme fait intervenir sa foi. Les impies, qui nient l’existence de D.ieu, sèment également. Et, la nature veut que les récoltes poussent dans un champ, après qu’il ait été ensemencé.
L’explication est, en fait, la suivante. Un Juif peut constater, de ses propres yeux, que le travail agricole procède des lois de la nature et qu’il ne relève pas de la foi et de la confiance en D.ieu, que les champs des impies produisent également des récoltes. Pour autant, il a également conscience de sa spécificité, sait qu’il n’en va pas de même, pour ce qui le concerne.
Ainsi, tout comme le peuple d’Israël n’est pas soumis aux lois de la nature, il en est de même pour chaque Juif, à titre individuel. Chacun comprend donc que, si les récoltes du champ voisin sont obtenues en fonction des lois de la nature, les siennes dépendent uniquement de sa foi et de sa confiance en D.ieu.
6. Ce qui est vrai pour les commerçants l’est, tout autant, pour ceux qui se consacrent à l’étude de la Torah. La réussite n’est pas réservée à ceux qui possèdent de grand moyens intellectuels. Elle dépend, en fait, de l’aide accordée par D.ieu à ceux qui Le craignent. Ces derniers, grâce à cette qualité, placeront tous leurs efforts dans l’étude. Le résultat ainsi obtenu sera considérable, sans aucune commune mesure avec ce qu’ils y ont investi.
A l’opposé, lorsque l’essentiel manque, les capacités les plus développées et les plus grands efforts ne seront d’aucune utilité car, la Torah est la Sagesse de D.ieu. Si l’on possède effectivement ce qui est essentiel, D.ieu accorde une réussite surnaturelle

 

Soumission et compréhension

(Discours du Rabbi, Pourim 5719-1959)

 

1. La Haftara de la Parachah Zakhor rapporte que Chaoul fut pris de pitié pour Agag, roi d’Amalek et pour " le meilleur de son bétail ", allant ainsi à l’encontre de la Volonté de D.ieu, Qui, de ce fait, lui ôta la royauté pour la confier à David.
La Haftara et la Parachah Zakhor sont liées à Pourim. C’est pour cela qu’elles sont lues durant le Chabbat précédant cette fête. Cette relation est, du reste, clairement établie par la Méguilah, précisant que Haman est un descendant d’Agag, comme le montrent le Targoum et le Targoum Cheni sur la Meguilat Esther 3, 1. Agag était lui-même un descendant d’Amalek et la Parachah Zakhor invite à se souvenir de ce que fit Amalek.
Bien plus, nos Sages rapportent, dans le traité Méguilah 13a, le Tana Dveï Elyahou Rabba, chapitre 24 et le Yalkout Chimeoni Bechala’h, paragraphe 268, que Haman put voir le jour précisément parce que Chaoul ne tua pas Agag. La fête de Pourim est donc clairement liée à cette Haftara. Le décret émis par Haman à l’encontre des Juifs fut bien la conséquence de la faute de Chaoul, qui se refusa à achever Agag.
Tout ce qui appartient à la Torah est particulièrement précis. On peut en conclure que, non seulement l’événement rapporté par cette Haftara est, globalement, lié à Pourim, mais que chacun de ses détails l’est également, les arguments de Chaoul, " J’ai accompli la Parole de D.ieu ", " J’ai laissé le troupeau vivant afin d’en offrir des sacrifices pour l’Eternel ton D.ieu ", puis la réponse du prophète Chmouel, " L’obéissance à D.ieu est préférable à un sacrifice ", " Tu t’es détourné de la Parole de D.ieu ".
2. Commentant le verset (Chmouel 1, 13, 1) " Chaoul régnait depuis un an ", le traité Yoma 22b souligne qu’il n’avait alors commis aucune faute, tout comme un enfant d’un an. On peut en conclure que, lorsqu’il laissa la vie sauve à Agag et au troupeau, il ne s’agissait nullement, de sa part d’une remise en cause de la Volonté de D.ieu. Il avait une bonne raison d’agir ainsi, inspirée par la logique émanant du domaine de la Sainteté. En conséquence, Chaoul dit : " J’ai accompli la Parole de D.ieu ". Il pensait sincèrement ne pas avoir enfreint Sa Volonté, mais bien au contraire, l’avoir accomplie.
Chaoul connaissait l’importance des sacrifices. Il savait qu’en offrant un animal à D.ieu, on transforme l’obscurité de la matière en lumière de la spiritualité la plus parfaite. Et, c’est précisément cette obscurité qui permet de révéler la lumière la plus brillante. En conséquence, se dit Chaoul, lorsque se présente une opportunité de prendre le bétail d’Amalek, qui est " le premier de tous les peuples ", la source de toutes les formes du mal, selon le Torah Or, page 95a, l’obscurité la plus profonde et de le sacrifier à D.ieu, la lumière la plus intense doit en résulter.
Son erreur était, en l’occurrence, la suivante. Chaoul adopta une démarche rationnelle et il s’en remit à sa logique. Or, si un tel raisonnement paraît défendable, il n’en supprime pas moins l’immense qualité que représente la soumission à D.ieu.
Or, c’est précisément à cause de cette faute que Chaoul perdit la royauté, " mesure pour mesure ", car il est nécessaire de craindre le roi, de se soumettre à lui. Par la suite, cette royauté fut transmise à David, qui dit : " Je suis resté silencieux ", parvenant ainsi au plus haut stade de la soumission.
La soumission la plus totale devant la Volonté divine était donc nécessaire. Or, D.ieu avait dit : " Vous détruirez tout ce qui lui appartient ", tout ce que possède Amalek.
Telle fut donc la réponse de Chmouel : " L’obéissance à D.ieu est préférable à un sacrifice, le fait d’écouter à la graisse des béliers ", c’est-à-dire au service de D.ieu assumé sur la base de sa propre logique. Ainsi, on servira D.ieu par les plus grandes forces dont on dispose, par " la graisse ", par les moyens les plus profonds, par l’intellect.
Et, il est vrai que la démarche intellectuelle doit procéder du service de D.ieu. Il ne suffit pas de se soumettre. Il faut encore comprendre, jusqu’à consacrer à D.ieu les forces les plus hautes dont on dispose. Celui qui est uniquement motivé par sa soumission, sans éprouver du plaisir, ne pourra Le servir que par ses forces les plus inférieures, par son action concrète. Dès lors, il n’offrira pas " la graisse à D.ieu ". Pour autant, la soumission est effectivement plus précieuse que la compréhension. Tout d’abord, cette dernière n’écarte pas la possibilité de l’erreur, comme ce fut précisément le cas pour Chaoul.
Ainsi, on peut être animé d’un désir sincère de servir D.ieu, mais, si on le fait seulement sur la base de sa propre logique, on ne peut se départir des limites de sa personnalité. On manque alors de la soumission qui est nécessaire à ce service. Certes, il faut consacrer " la graisse à D.ieu " et donc lui donner également sa compréhension. Néanmoins, la démarche rationnelle doit découler de la soumission.
D.ieu souhaite qu’on Le serve également de manière rationnelle. Il faut donc comprendre logiquement la nécessité de se soumettre.
3. Evoquant le soumission, le Zohar, tome 1, page 8a, dit : " C’est la porte de l’élévation " conduisant vers tous les domaines de la Sainteté. Lorsque la soumission manque, on n’est pas un réceptacle pour la Sainteté, ce qu’à D.ieu ne plaise. Toutes les formes du mal peuvent en découler.
En conséquence, parce que Chaoul adopta une démarche rationnelle et qu’il n’exécuta pas aussitôt Agag, Haman put voir le jour et émettre un décret, enjoignant de " détruire, tuer et faire disparaître ", ce qu’à D.ieu ne plaise, " tous les Juifs " et jusqu’au Judaïsme lui-même.
Les Juifs firent don d’eux-mêmes, au-delà de toute logique. C’est pour cela qu’ils sont appelés " Juifs ", dans toute la Méguilah et nos Sages disent, au traité Méguilah 12a, que " Quiconque nie l’idolâtrie est qualifié de Juif ".
Mon beau-père, le Rabbi explique que Avoda Zara, l’idolâtrie, est Avoda, une forme du service, Zara, qui est étrangère, en l’occurrence, alors qu’elle pourrait appartenir au domaine de la Sainteté pour une autre personne, ou même chez la même personne, à un autre moment. Néanmoins, en fonction de la situation actuelle, on peut attendre d’un homme un autre effort. Celui-ci est donc bien " étranger ". Il va à l’encontre du service de D.ieu et il peut, de ce fait, être comparé à l’idolâtrie, à la remise en cause de l’unité de D.ieu, comme le dit le chapitre 24 du Tanya.
Comment servir D.ieu réellement et être sûr d’adopter, à chaque moment, le comportement qu’Il souhaite ? Pour cela, il faut mettre sa logique de côté, se soumettre pleinement. C’est en ce sens que " quiconque nie l’idolâtrie est qualifié de Juif ", Yehoudi, de la même étymologie que Hodaa, la soumission, rempart contre toute pratique idolâtre.

 

Tout ceci souligne effectivement le lien entre la Haftara et la Parachah Zakhor, d’une part, la fête de Pourim, d’autre part. En effet, Chaoul eut pitié du troupeau, parce qu’il voulait le sacrifier à D.ieu. De la sorte, il aurait pu transformer les parcelles de Divinité se trouvant au stade le plus bas de la matière, si ce n’était l’ordre de D.ieu interdisant de le faire. En effet, D.ieu ne souhaitait pas que l’élévation soit apportée à l’Amalek. Il convenait, bien au contraire, de le détruire.
Mais, Chaoul adopta une démarche rationnelle et il échoua, dans sa tentative de déterminer Sa Volonté. Pour réparer sa faute, il devait, tout d’abord, la reconnaître, se soumettre et rejeter l’idolâtrie. A Pourim, c’est précisément cette soumission qui fut à l’origine du salut des Juifs.
En ce sens, tous les détails de la Haftara de la Parachah Zakhor évoquent effectivement la fête de Pourim. La faute de Chaoul fut son manque de soumission. De la sorte, il fit une place pour Agag, roi d’Amalek, qui " te rencontra ", mais également " te refroidit, sur le chemin ", car l’analyse intellectuelle suscite la froideur. Dès lors, le décret de Haman, visant à détruire tous les Juifs, ce qu’à D.ieu ne plaise, devint envisageable.
Par la soumission et le don de soi qui transcende toute logique, on met en pratique l’enseignement de Chmouel, " l’obéissance à D.ieu est préférable à un sacrifice, le fait d’écouter à la graisse des béliers ". De la sorte, la force du mal spécifique à Amalek, fut vaincue, dans sa forme spirituelle, d’abord, matériellement, par la suite. Alors, " ils tuèrent leurs ennemis ", exécutèrent les fils d’Amalek et effacèrent le décret de Haman. Dès lors, " pour les Juifs, ce fut lumière, joie, allégresse et honneur ". Et, ces différents termes, lumière, joie, allégresse, honneur sont également liés à notre propos, comme cela est expliqué par ailleurs.
4. Ce qui vient d’être dit nous permettra de comprendre pourquoi les Mitsvot de Pourim, que l’on peut accomplir tout au long du jour, sont citées par le verset, en sorte que le festin y figure en premier lieu. Il est dit, en effet, que " l’on est tenu de s’enivrer, à Pourim, jusqu’à ce plus savoir faire la différence entre ‘maudit soit Haman’ et ‘béni soit Mordékhaï’ ".
En fait, le verset parle des " jours de festin ", au pluriel et l’on peut en conclure que celui-ci se prolonge, en chaque instant de ces jours, par le fait d’être ivre. Ainsi, à Soukkot, on prend les quatre espèces une seule fois par jour et cette action se prolonge ensuite, pendant tout le reste de la journée. De même, la Mitsvah d’étudier la Torah peut aussi être accomplie à n’importe quel instant du jour. Malgré cela, un chapitre, appris le matin, peut aussi se prolonger durant tout le jour.
Il n’en est pas de même, en revanche, pour la lecture de la Méguilah. Après l’avoir lu, une fois le soir et une seconde fois le matin, on s’est effectivement acquitté de son obligation. C’est également le cas pour les dons aux pauvres. Le Rambam explique, dans ses lois de la Méguilah, chapitre 2, paragraphe 17, qu’il est bon de les multiplier. Pour autant, l’obligation ne se prolonge pas sur l’ensemble de la journée, comme le dit le Toureï Zahav, au début du chapitre 695.
On déduit également du verset " jours de festin ", qu’il est interdit de jeûner pendant toute la journée. Mais, il est clair que ceci ne contredit pas ce qui vient d’être dit, car le jeûne va à l’encontre du festin.
" Maudit soit Haman " correspond à l’Injonction " Ecarte-toi du mal " et " Béni soit Mordékhaï ", au Précepte " Fais le bien ". Il faut donc mettre ces Commandements en pratique " jusqu’à ne plus savoir ", en transcendant sa propre logique. Le miracle de Pourim se produisit parce que les Juifs firent don d’eux-mêmes, au-delà de toute rationalité. Il faut, en conséquence, servir D.ieu " jusqu’à ne plus savoir ", acquérir la foi la plus pure, témoigner de la plus haute abnégation, sans être limité par sa propre réflexion.
C’est en ce jour que l’on puise une foi intègre pour toute l’année. Et, cette foi sera la base de toute compréhension, ainsi qu’il est dit (Tehilim 119, 66) : " Enseigne-moi la compréhension et la sagesse, car j’ai foi en Tes Mitsvot ". De fait, on ne peut comprendre qu’en étant animé par la foi, en basant son raisonnement sur elle.

 

Quatre signes distinctifs

(Discours du Rabbi, Pourim 5719-1959)

1. Définissant les conséquences et la conclusion finale du miracle de Pourim, la Méguilah dit, brièvement: "Pour les Juifs, ce fut lumière, joie, allégresse et honneur".
Le traité Méguilah 16b explique que: "La lumière, c’est la Torah; la joie, c’est la fête; l’allégresse, c’est la circoncision; l’honneur, ce sont les Tefillin". Et, le Maharcha note que ces quatre éléments sont précisément les signes de l’attachement des Juifs à D.ieu que Haman l’impie voulut interdire. En effet, il ne voulait pas, ne pouvait pas souffrir que les Juifs se distinguent des autres peuples, par leur lien à D.ieu. Puis, survint le miracle de Pourim. Tous furent alors délivrés de Haman et de ses décrets. En conséquence, "pour les Juifs, ce fut la lumière, qui est la Torah; la joie, qui est la fête; l’allégresse, qui est la circoncision; l’honneur, qui sont les Tefillin".
Un signe a pour but de différencier celui qui le porte de toutes les autres personnes. Celui qui est ainsi distingué doit donc être seul à le posséder. Car, si l’équivalent en existe chez les autres, il ne permet plus de marquer une différence fondamentale entre celui qui le porte et les autres hommes.
Il en est de même pour le signe qui doit matérialiser un fait aussi fondamental et essentiel que la différence pouvant être faite entre Israël et les autres peuples. Celui-ci doit être spécifiquement possédé par les Juifs. Or, on retrouve l’équivalent de ces quatre éléments, la Torah, la fête, la circoncision et les Tefillin, auprès des autres nations, bien que sous une forme quelque peu différente.
En effet, les non-Juifs connaissent la Torah. Ils l’étudient et reconnaissent son immense sagesse, ainsi qu’il est dit (Devarim 4, 6): "Elle est votre sagesse et votre entendement aux yeux des nations", qui la perçoivent donc comme telle. Et, les non-Juifs possèdent également des fêtes, célébrant, par exemple, la date de leur libération. En outre, de nombreux peuples pratiquent la circoncision, pour des raisons hygiéniques. Enfin, tout comme les Juifs portent les Tefillin dans le but de marquer leur attachement à D.ieu, comme le dit le traité Berakhot 6a, ainsi qu’il est dit (Devarim 28, 10): "Toutes les nations de la terre verront que tu portes sur toi le Nom de D.ieu", d’autres également portent des signes distinctifs, servant à établir à quels groupes ils se rattachent.
Ce qui vient d’être dit conduit donc à s’interroger. Quand D.ieu fixa des signes distinguant les Juifs des autres peuples, pourquoi ne fit-Il pas le choix de Mitsvot, de pratiques totalement étrangères aux autres? Pourquoi avoir opté pour ces quatre éléments dont on retrouve effectivement l’équivalent chez les nations?
2. On peut donner, à ce propos, l’explication suivante. Un signe distinctif est nécessaire uniquement entre deux éléments comparables. Il est inutile, en revanche, lorsque aucune commune mesure n’existe entre ce qu’il convient de différencier.
En l’occurrence, les signes distinguant Israël des nations n’ont pas pour but de montrer l’écart entre l’âme juive et celle des autres peuples. De ce point de vue, aucune comparaison ne peut, en effet, être envisagée, comme l’explique le début du Tanya. En fait, ces signes différencient le corps juif de celui des nations. Car, dans leur apparence extérieure, ceux-ci sont bien identiques. Le corps d’un Juif est également physique. Il ne paraît pas différent de celui d’un non Juif. C’est donc en ce qui le concerne que ces signes prennent un sens, qu’ils font la preuve de la particularité du corps juif, qui est saint, comme le montre le Tanya, au chapitre 49. De fait, le corps juif possède une qualité que l’âme elle-même n’a pas. C’est lui qui fit l’objet du choix de l’Essence de D.ieu, comme l’explique longuement le Torat Chalom, à la page 120.
Ces signes distinctifs établissent donc la sainteté du corps juif. C’est la raison pour laquelle, de manière apparente, ils trouvent effectivement leur équivalent chez les non-Juifs. Pour autant, ils sont réellement différents, établissant ainsi que l’action concrète, qui est le fait du corps et qui procède des mêmes gestes, l’alimentation, le sommeil, le commerce, que tous pratiquent de la même manière, n’en reçoivent pas moins, chez un Juif, une dimension totalement différente. En effet, celui-ci, par chaque accomplissement, sanctifie la matière, ainsi qu’il est dit (Michlé 3, 6) : " En toutes tes voies, reconnais-Le ".
Un Juif ne porte pas seulement la sainteté en sa personnalité. Celle-ci ne fait pas que s’ajouter à sa nature profonde. Elle s’identifie, en réalité, à cette nature. En conséquence, tout ce qu’il accomplit est saint, y compris l’action dont on peut trouver l’équivalent auprès des autres nations.
3. La Guemara explique que " la lumière, c’est la Torah " et l’on peut s’interroger, à ce sujet. En effet, la Torah est, d’ordinaire, appelée Or, lumière au masculin, alors qu’il est dit ici Ora, lumière au féminin. Pourquoi cela ?
Dans le discours ‘hassidique intitulé " Pour les Juifs, ce fut lumière ", l’Admour Hazaken en donne la raison. Il précise qu’il est ici fait allusion à la Loi Orale, laquelle reçoit l’apport de la Loi Ecrite. C’est pour cela qu’elle est désignée par un terme féminin.
La différence entre ces deux parties de la Torah est la suivante. La Loi Ecrite transcende la logique, comme le souligne le Likouteï Torah Vaykra, à la page 5b. Chacun sait qu’elle fut donnée à Moché, sur le mont Sinaï. Bien évidemment, elle n’est pas abordée par le raisonnement ou l’analyse intellectuelle, mais seulement par la foi.
La Loi Orale, à l’opposé, apporte des explications logiques, développe ce qui est brièvement exposé par la Loi Ecrite, énonce les lois que celle-ci n’enseigne pas clairement, grâce à des comparaisons ou à des déductions logiques. De la sorte, les rapprochements, les raisonnements a fortiori permettront, par exemple, d’appliquer une loi énoncée à propos d’un certain cas également à une autre situation.
Il en résulte que la Loi Orale adopte une démarche essentiellement logique. Malgré cela, un Juif l’abordera par sa foi. Il ne tranchera pas la Halakha en fonction de ce qui lui semble être le plus rationnel, même s’il peut citer plusieurs preuves, qui semblent irréfutables, à l’appui de sa position. En effet, dès lors qu’une décision a été prise par les premiers ou les derniers Décisionnaires, adoptée par toutes les communautés juives, elle ne peut plus être remise en cause. De fait, les Sages de la Michnah disaient déjà, au traité Yebamot 76b : " Si c’est une Halakha, nous l’accepterons. Si c’est le fruit d’un raisonnement, il est possible de le réfuter ".
Or, on peut ici s’interroger. S’il s’agissait, en l’occurrence, de la Loi Ecrite, échappant à toute logique, on aurait pu comprendre une telle attitude. En l’occurrence, néanmoins, celle-ci n’énonce pas clairement la Halakha, que l’on développe uniquement dans la Loi Orale, laquelle est effectivement livrée à l’intellect. Et, les Décisionnaires qui, dans les générations précédentes, se sont prononcés, en la matière, l’on fait, semble-t-il, sur la base d’arguments logiques. En conséquence, pourquoi celui qui a une vision divergente, en la matière, devrait-il tenir compte de leur décision ?
La réponse à cette question est la suivante. Les Juifs conçoivent la Loi Orale également par leur foi et par leur crainte de D.ieu. Nos Sages remarquent, dans le traité Avot, chapitre 3, Michnah 9, que : " si la crainte de D.ieu précède la sagesse, celle-ci se maintient ". Certes, la sagesse est une étape incontournable et même, une nécessité, puisqu’il s’agit bien, en l’occurrence, de la Loi Orale, ayant une formulation logique. Mais, en tout état de cause, cette sagesse est pérenne uniquement si elle est précédée par la crainte de D.ieu, si elle est introduite par elle.
Telle était également la différence qui existait entre les conceptions des Saducéens et celles des Pharisiens. Les premiers ne remettaient nullement en cause la Loi Ecrite. Ils concédaient qu’il fallait l’admettre, qu’on la comprenne ou non, dès lors qu’elle avait été donnée à Moché sur le mont Sinaï. Mais, ils considéraient qu’il n’en était pas de même pour la Loi Orale.
Les Saducéens disaient que la Loi Orale avait une démarche rationnelle, qu’ils pouvaient donc en proposer leur propre interprétation, en faisant abstraction de la Tradition de nos Sages. Et, les Pharisiens leur opposaient que, tout comme D.ieu avait donné la Loi Ecrite à Moché, Il lui avait, simultanément, transmis également la Loi Orale. Ainsi, dit le Rambam, dans son introduction du Michné Torah : " Toutes les Mitsvot furent données sur le mont Sinaï, avec leurs explications ".
La différence entre les deux parties constitutives de la Torah est donc le caractère écrit de la première, oral de la seconde ou l’aspect logique de la seconde que la première ne possède pas. Néanmoins, cette formulation rationnelle de la Loi Orale n’est qu’une apparence extérieure. Car, les deux parties de la Torah furent bien, l’une et l’autre, données par D.ieu, Qui transcende la logique. Il faut donc les aborder, toutes les deux, par la foi.
Ainsi, c’est précisément la Loi Orale, Ora, lumière au féminin, qui est le signe distinctif, permettant de faire la différence entre Israël et les nations du monde. Le Midrach Chemot Rabba, au début du chapitre 47, affirme : " La Michna et le Talmud permettent de distinguer le peuple juif des autres peuples ".
La Loi Orale a une formulation logique. Malgré cela, un Juif y percevra la sainteté. C’est en elle qu’il placera toute sa foi, laquelle transcende la logique.
4. Il en est de même également pour le second signe distinctif, "la joie, c’est la fête". Comme on l’a dit, les non-Juifs ont également des célébrations. Pour autant, la fête reçoit, chez un Juif, une dimension totalement différente. Elle est pénétrée de sainteté.
A l’occasion d’une fête, tous se réunissent et se réjouissent, consomment de la viande et boivent du vin, observent des pratiques qui ne s’apparentent pas à la spiritualité. Malgré cela, ils parviennent, ce faisant, à se distinguer des non-Juifs. Chez ces derniers, en effet, les réjouissances peuvent conduire à l’excès, alors que la joie juive se cantonne au domaine de la Sainteté, comme le souligne le Choul’han Aroukh de l’Admour Hazaken, chapitre 292, paragraphe 3.
Un Juif peut se réjouir et boire, sans qu’il n’en découle de débordements, ce qu’à D.ieu ne plaise. Bien au contraire, il raffermira sa crainte de D.ieu, par cette célébration. Même à Pourim, alors qu’il est une "Mitsvah de s’enivrer jusqu’à ne plus savoir", selon le traité Méguilah 7b et le Choul’han Aroukh, Ora’h ‘Haïm, chapitre 698, paragraphe 2, la joie renforce effectivement la crainte de D.ieu et la sainteté, de sorte que, parvenu à "ne plus savoir", un Juif reste persuadé, même s’il ne peut le justifier logiquement, que "Haman est maudit" et que "Mordékhaï est béni", comme nous le préciserons plus loin.
5. Ce qui vient d’être dit est tout aussi vrai pour "l’allégresse, c’est la circoncision", que certains non-Juifs pratiquent également. Les Juifs, néanmoins, le font d’une manière complètement différente.
Illustrant l’affirmation selon laquelle "l’allégresse, c’est la circoncision", la Guemara cite le verset: "Je me réjouis de Ta Parole, comme celui qui découvre un large butin". Le roi David prononça ces mots précisément à propos de la circoncision et l’on peut en conclure, d’une part, que celle-ci suscite des réjouissances particulières, dépassant le joie courante, d’autre part, qu’elle est comparable à un large butin pris à l’ennemi.
Pourquoi la circoncision a-t-elle ce caractère joyeux? Et, qui est cet ennemi, auquel un butin est retiré en la pratiquant? Le Rambam répond à cette question dans son Guide des égarés, tome 3, chapitres 35 et 49. Il dit, en effet, qu’un homme, en pratiquant la circoncision, affaiblit son attirance envers les plaisirs physiques.
Ce monde, en effet, présente des attraits et des passions, qui en font le lieu des forces du mal, comme l’explique le chapitre 6 du Tanya, citant le Ets ‘Haïm, porte 42, fin du chapitre 4. De ce point de vue, il est bien le plus grand ennemi d’un Juif. En conséquence, lorsque ce dernier affaiblit sa capacité d’en concevoir le plaisir, bien plus, lorsqu’il met les désirs de ce monde au service du domaine de la sainteté, ainsi qu’il est dit (Vaykra 3, 16): "toutes les graisses seront pour D.ieu", il dérobe à l’ennemi son plus large butin. C’est la raison pour laquelle sa joie est immense.
C’est donc en cela que la circoncision d’un Juif se distingue de celle d’un non-Juif. Ce dernier ne concevra, d’une telle pratique, que de la douleur et de la peine. Il en souffrira physiquement et sera désolé d’avoir perdu l’accès aux plaisirs du monde, lesquels occupent une part importante de sa vie. Il pratiquera donc la circoncision uniquement s’il ne peut faire autrement, afin de se préserver d’une souffrance encore plus grande.
A l’opposé, Un Juif se réjouit d’être circoncis. La conscience de diminuer son plaisir physique le satisfait, car, au fond de lui-même, il ressent que le bonheur véritable est celui qui est inspiré par la Divinité. Le monde matériel est son ennemi et il éprouve donc de la joie, lorsqu’il lui ôte son butin.
6. Ceci s’applique également à "l’honneur, ce sont les Tefillin". Celles-ci, comme on l’a vu, permettent à l’homme qui les portent de marquer son attachement à D.ieu, ainsi qu’il est dit: "Tous les peuples du monde verront que tu portes sur toi le Nom de D.ieu". Les non-Juifs possèdent également des symboles, montrant à quel peuple ou à quel groupe ils appartiennent. Pour autant, ceux que possèdent les Juifs sont radicalement différents.
Les Tefillin sont constituées par des parchemins, des boîtiers et des lanières, tous faits de cuir, d’une peau de bête. On les porte sur le bras gauche et sur la tête, assujettissant ainsi son cœur et sa tête, afin d’en faire les "réceptacles" de ces Tefillin.
Or, il convient de s’interroger sur une telle pratique. Est-il concevable, du point de vue de la logique, qu’un homme sensé entoure sa tête d’une lanière, faite de peau de bête, qu’il soumette ses sentiments et son intellect à des boîtiers et à des parchemins, également constitués de peau de bête? Certes, quatre passages de la Torah sont inscrits sur ces parchemins, mais ceux-ci se trouvent, tout autant, dans la conscience de l’homme qui, pendant qu’il porte les Tefillin, ne doit pas cesser de se concentrer sur leur contenu. Pourquoi, en outre, les faire figurer sur une peau de bête?
On aurait pu comprendre une telle attitude de la part d’un enfant, n’ayant pas encore atteint la maturité intellectuelle. Or, la Halakha précise que l’enfant est dispensé de porter les Tefillin, qu’il commence à le faire uniquement à partir de treize ans, c’est-à-dire précisément quand il accède à cette maturité intellectuelle, alors qu’en revanche, "son père doit l’habituer à garder ses Tefillin", selon le Choul’han Aroukh de l’Admour Hazaken, Ora’h ‘Haïm, fin du chapitre 37.
Il est donc nécessaire de soumettre sa personne à des Tefillin, qui sont faites de peau de bête. Bien plus, il s’agit, en l’occurrence, de sa peau, c’est-à-dire de la partie la plus superficielle et la plus grossière de cet animal. En outre, les Tefillin sont noires, couleur qui n’évoque pas particulièrement la beauté.
En fait, il est écrit, sur ces parchemins, "Ecoute, Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est un" et c’est à cela que l’homme qui les porte se soumet. Il emplit son cerveau et son cœur de cette conscience, car telle est la Volonté du Roi.
Telle est donc la différence entre les signes que possèdent les non-Juifs et les Tefillin. Les non-Juifs s’enorgueillissent des symboles qu’ils portent. Ils en tirent de la fierté et choisissent donc les plus élevés, les plus raffinés, les plus beaux. A l’opposé, un Juif conçoit de la satisfaction de Tefillin, faites d’une peau de bête teinte en noir, car le verset "Ecoute, Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est un" y est inscrit. Il fera donc preuve de la plus grande abnégation afin de se pénétrer de ces mots.
7. Comme nous venons de le montrer, ces quatre éléments, la Torah, la fête, la circoncision, les Tefillin, sont les signes distinguant le corps juif de tous les autres. C’est précisément pour cela que Haman voulut, si fortement, les déraciner. En effet, il ne s’affectait pas de constater la sainteté d’un Juif, lorsque celui-ci se limite à des préoccupations morales, lorsqu’il se consacre à son âme. Quand son activité est matérielle, en revanche, comme c’est le cas pour ces quatre éléments, dès lors que son corps doit intervenir, Haman niait toute différence entre un Juif et un non-Juif.
C’est ainsi que Haman marqua sa qualité de descendant d’Agag, d’héritier d’Amalek. La force du mal spécifique à Amalek introduit, en effet, la froideur de l’analyse rationnelle, qui s’oppose à l’effort du service de D.ieu, à la soumission transcendant l’entendement. L’intellect a conscience de sa limite. Il sait qu’il ne peut pas tout comprendre. Il accepte donc la notion de sainteté, qui le dépasse. Pour autant, il la restreint et il souligne qu’elle concerne uniquement l’âme, la spiritualité, mais non le corps.
L’intellect est une force, à la disposition de l’homme, mais non l’homme lui-même. En conséquence, la sainteté, si elle est perçue uniquement de manière intellectuelle, ne peut pas se répandre dans toute la personnalité de l’homme, dans ses activités matérielles, bien plus basses que sa compréhension. Or, un Juif doit mettre en pratique le Précepte: "En toutes tes voies, reconnais-Le" parce qu’il est saint, par la nature même de son existence.
Pour cette même raison, Haman effectua un tirage au sort, qui transcende la logique et dépasse l’enchaînement des mondes. Il considérait que la qualité d’Israël, par rapport aux nations, n’avait de sens que pour les forces révélées de la personnalité, qu’elle s’entendait uniquement au sein de la création, mais non au dessus de celle-ci. Ainsi, le miracle de Pourim permit d’établir une relation entre la supériorité d’Israël et le tirage au sort, plus haut que l’enchaînement des mondes.
C’est pour cela que cette fête s’appelle Pourim, les tirages au sort. En effet, cette célébration rappelle que les Juifs se distinguent des non-Juifs également par les préoccupations de leur corps. C’est aussi pour cela que le miracle prit une apparence naturelle. C’est donc le stade le plus bas de la création qui en révèle l’aspect le plus élevé et c’est sur ce corps que porte le Choix céleste, émanant de l’Essence de D.ieu.
Tout d’abord, Haman voulut supprimer ces signes, ôter la sainteté des pratiques juives s’apparentant à celles que possèdent les non-Juifs. Puis, par la suite, il interdit également les usages des Juifs n’ayant pas leur équivalent chez les non-Juifs. Enfin, il décida de "détruire, tuer et perdre tous les Juifs".
Comme on l’a dit, l’essence même de la personnalité juive est son caractère de sainteté. En conséquence, si l’on désire écarter un Juif de cette valeur, même si on lui permet d’en conserver la trace à certains moments, on l’arrache, en fait, à son identité la plus profonde.
C’est la raison pour laquelle, lorsque l’on fut délivré de Haman et de ses décrets, on instaura Pourim, qui est une fête à part entière, bien que le travail n’y ait pas été interdit, comme le souligne le traité Méguilah 5b et comme l’explique le Likouteï Torah Devarim, à la page 58a. Bien plus, le Midrach Michlé, au chapitre 9, dit que "toutes les fêtes seront abrogées, dans le monde futur, à l’exception de Pourim".
Pendant la journée de Pourim, on prend part à un festin matériel, on mange et l’on boit, "on s’enivre jusqu’à ne plus savoir" et cette Mitsvah, qui est la plus représentative de Pourim, s’applique donc tout au long du jour. Or, parvenu à "ne plus savoir", chacun garde la conviction que "Haman est maudit" et que "Mordékhaï est béni". On éprouve alors une haine profonde pour le mal, pour Haman et l’on bénit le bien, Mordékhaï.
En effet, l’attachement à D.ieu d’un Juif n’est pas une dimension surajoutée à sa personnalité. C’est, bien au contraire, sa nature profonde. Aussi, à Pourim, ce Juif perçoit-il clairement, sans même faire intervenir sa connaissance, puisqu’il est parvenu à "ne plus savoir", que "Haman est maudit" et que "Mordékhaï est béni".

Extrait de la lettre n° 215 d'Iguerot Kodech

Par la grâce de D.ieu,
Chouchan Pourim 5706,
Au ‘Hassid qui craint D.ieu
et s’acquitte fidèlement de sa mission, le Rav Y. Hacohen, Chicago,

Je vous salue et vous bénis,
...Concernant la Mitsvah d’envoyer des cadeaux à ses amis et des dons aux pauvres, le jour de Pourim, nos Sages disent, dans le traité Méguilah 7a: "Deux mets à un ami et deux dons à deux hommes".
On peut donner, à ce propos, une explication basée sur la ‘Hassidout. On sait qu’à Pourim, le corps et l’âme furent conjointement sauvés, alors qu’à ‘Hanouka, l’exil se marquait uniquement dans la dimension spirituelle(...). A Pourim, les Juifs firent don de leur vie pour sanctifier le Nom de D.ieu, s’attacher à Lui, avec une détermination transcendant la raison. En effet, s’ils avaient abjuré, il ne leur serait rien arrivé, puisque le décret de Haman s’appliquait uniquement aux Juifs. Les discours ‘hassidiques de Pourim expliquent longuement tout cela.
Or, le but du don de soi est de transformer l’existence quotidienne, d’obtenir que le corps et l’âme animale soient maîtrisés par l’âme divine. Et l’âme intellectuelle est l’intermédiaire entre ces deux âmes, comme l’expliqua mon beau-père, le Rabbi Chlita, dans un discours qu’il prononça en 5690, lorsqu’il visita les Etats Unis pour la première fois.
Mais, les notions de pauvreté et de richesse s’entendent, avant tout, dans la dimension morale. L’âme intellectuelle et, a fortiori, l’âme divine ne peuvent donc pas, à proprement parler, être qualifiées de "pauvres". Ce qualificatif s’applique, en revanche, au corps et à l’âme animale.
C’est pour cette raison que les Juifs, après avoir fait don de leur propre vie, reçurent des Mitsvot leur signifiant que ce sacrifice devait permettre à l’âme divine de diriger l’âme animale et le corps, c’est-à-dire de faire des dons à deux pauvres. Quant aux cadeaux faits aux amis, ils concernent l’âme intellectuelle, "amie" de l’âme divine, qui peut donc jouer le rôle d’intermédiaire envers l’autre âme.
Et c’est bien deux cadeaux qu’il faut lui donner, car un raisonnement ne peut être structuré et aboutir à une conclusion qu’à condition d’intégrer d’emblée deux concepts opposés, la bonté et la sévérité, une question et une réponse. Tel est le cheminement intellectuel normal, comme l’établissent différents textes.
Il est une partie de la Torah qui s’adresse à la fois à l’âme intellectuelle, à l’âme animale et au corps. Il s’agit des causeries des maîtres de la ‘Hassidout, qui comportent:
1. des notions très profondes,
2. des enseignements concernant les bons comportements et les sentiments vertueux,
3. des récits et des faits concernant l’action concrète.
Heureux l’homme qui a envoyé des cadeaux à ses amis et fait des dons aux pauvres, de la manière qui vient d’être décrite, pour le bien du plus grand nombre.
Avec ma bénédiction de Téchouvah immédiate, délivrance immédiate,.