Rav Grounam m'a conté un jour:
Il arriva qu'une année on manque d'Etrog.
Allez savoir quelle calamité naturelle, guerre ou faillite avait fait
que les cédrats n'avaient pas poussé sur les rives de la Méditerranée,
ou n'avaient pu être cueillis, ou pourquoi les bateaux n'avaient pu accoster
et les routes devenues impraticables.
Toujours est il que Rabbi Lévi Its'hak de Berditchev n'avait pas encore
réussi à trouver un Etrog pour la fête de Souccot, et avait
dépêché des élèves aux diverses entrées
de la ville pour tenter de trouver un voyageur qui aurait un Etrog.
On
trouva effectivement un homme qui avait pu s'en procurer, mais il n'habitait
pas à Berditchev. Et quel Etrog! L'homme avait du le payer une fortune,
et ne souciait pas de récupérer la mise. Pour rien au monde il
ne l'aurait vendu.
Les élèves le prièrent de bien vouloir passer la fête
en ville afin que le Saint Rabbi puisse également bénir la fête
comme il se doit. Mais notre homme refusa. Il devait se hâter pour arriver
à la maison avant la fête, et n'était pas du tout prêt
à accepter l'hospitalité des juifs de Berditchev.
Le Rabbi lui même se déplaça dans son auberge pour prier
l'homme de bien vouloir rester, mais rien n'y fit.
… Jusqu'au moment où Rabbi Lévi Its'hak lui promit une part de
son monde futur s'il acceptait de partager la Mitsvah de l'Etrog avec lui.
Arrivé à ce point là, il ne se fit plus prier, et accepta
de passer la fête avec les juifs de la ville. Tous furent soulagés,
et les préparatifs de la fête se poursuivirent dans l'allégresse.
Le Saint Rabbi fit savoir à l'aubergiste qu'il faudrait refuser à
son hôte l'accès à la Souccah. Il fit la même demande
à tous les habitants de la ville: nul ne devait le laisser entrer dans
une Souccah!
La nuit tombée, l'office du soir terminé, notre homme surpris
de ne pas avoir été invité s'en fut demander - sans succès-
la permission de manger ses propres provisions dans la Souccah de l'aubergiste.
Il n'eut pas plus de chance ailleurs, malgré ses cris et ses imprécations.
Quelle hospitalité!
Il finit par comprendre que l'affaire n'était pas simple, et par entendre
que le Rabbi lui même avait demandé qu'il soit écarté
des Souccot de la ville.
Il se précipita chez le Rabbi en pleurant.
"Est ainsi qu'on récompense le sacrifice que j'ai fait de rester avec
vous?"
"Si tu renonces à la promesse que je t'ai fait de partager ma part de
monde futur, toutes les Souccot de la ville te sont ouvertes…"
Que faire? Imaginez le combat intérieur qui se déroulait dans
la tête de l'hoome à l'Etrog!
D'un côté une part dans le monde futur, aux côtés
d'un Juste de la taille de Rabbi Lévi Its'hak, et de l'autre le mérite
d'accomplir la Mitsvah de résider dans la Souccah, cette Mitsvah que
nos Sages qualifient de "commandement simple à observer" mais au prix
d'un avenir radieux dans l'au-delà! Mais que vaut cette place au soleil
s'il doit renoncer pour elle à l'accomplissement d'un des commandements
de la Sainte Torah…?
"Rabbi, je renonce à votre promesse, pourvu qu'on me laisse accomplir
la Mitsvah de la Souccah comme il convient"…
L'invité fut immédiatement conduit dans une des plus belles demeures
de la ville pour partager la joie de la fête à une belle table.
Le lendemain, il fut invité à la table même du Rabbi, dans
sa Souccah avec d'autres disciples.
"Maintenant, je te renouvelle ma promesse d'être à mes côtés
dans le monde futur. Il fallait pour cependant que tu résiste à
cette épreuve pour la mériter, et que ce ne soit pas un cadeau
gratuit!"
Extrait de Chmouot VeSipourim, Vol 1
Rav Raphaël Na'hman Kahn
Mise à
jour le
Aharon
www.milah.fr