Mise
à jour le
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Site
des fêtes juives
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Kiev,
en Ukraine, Souccoth 5676 (1915).
Le Gouverneur de l'époque était le Général Drantlon. Il avait été
un vaillant combattant dans l'armée du Tsar, et était loin d'être
un ami des Juifs. S'il n'avait été tant pris par les affaires
de la ville, il aurait certainement expulsé tous les juifs de Kiev.
Peu de temps avant Souccoth, il avait réuni ses amis pour chercher un nouveau
moyen de nuire aux Juifs. Il savait que pour la fête, les Juifs construisent
ces cabanes de fortune pour y vivre durant une semaine. L'occasion était
trop belle.
Ce n'est qu'une semaine avant le début de la fête que le décret fut rendu
public: il était interdit de construire des cabanes sur toutes les terres
de Kiev et les alentours, "à cause du risque d'incendie". L'avis
était signifié avec forces menaces et peines encourues, et était assorti
d'un second décret interdisant aux villageois de livrer du bois et des branchages
en ville.
La ville était en effervescence. On n'avait jamais vu un tel coup de la
part des ennemis d'Israël.
Le jour même une délégation des notables de la ville tenta une entrevue
avec Drantlon. Ni le riche Brodski, ni le bouillonnant Zlotopolski, ni l'avocat
Kupernik ne purent le rencontrer.
La déception était grande, mais tous savaient qu'il était impossible de
céder à cette provocation, tout autant que l'ignorer. On ne pouvait pas
compter construire la moindre Souccah en catimini, car les gendarmes multipliaient
les rondes en ville et s'intéressaient à toute activité "suspecte".
C'est au cours d'une réunion des notables de la ville que l'idée germa:
un des participants, Margoline, dirigeait
une compagnie locale de transports maritimes. Il proposa de construire une
Souccah sur un de ses bateaux. L'avocat Kupernik acquiesça: le décret interdisait
toute Souccah sur les terres de Kiev, pas sur le Dniepr qui la traversait.
D'autant que le prétexte du risque d'incendie ne pourrait plus être avancé.
Ce n'est que la veille de la fête que l'on vit accoster un curieux bateau
dans le port: sur le pont des premières classes, une grande Souccah richement
décorée et meublée de tables et de chaises pour … les premières classes,
et une seconde Souccah sur le pont passager non moins préparée pour les
autres invités. Les cuisines avaient été spécialement cachérisées, et Margoline fit savoir que tous les juifs de la ville étaient
gracieusement invités à venir fêter Souccoth et prendre les repas sans bourse
délier.
La police locale mit un certain temps à réaliser l'embrouille. Le Commissaire
et ses adjoints se déplacèrent en personne dans le port, pour vérifier la
chose et ne purent que se frotter les yeux d'étonnement. Le décret qu'ils
devaient faire appliquer ne concernait que les constructions terrestres,
et ils n'avaient aucun prétexte pour empêcher les Souccoth flottantes!
Drantlon ne put croire la nouvelle. Lorsqu'il arriva au port, les Souccoth
étaient pleines de familles joyeusement attablées dans des Souccoth somptueuses
autour de plats dignes d'une croisière de luxe…
Il monta à bord, et fit le tour du bateau en menaçant les Juifs de son sabre,
de la prison, de Sibérie et autres douceurs.
Le Rabbin se dressa de tout son séant et demanda la parole.
"Bienvenue à notre Général, Honoré Gouverneur
de la ville. Le Peuple Juif est réuni ce soir, dans toutes les villes
du monde pour célébrer la fête de Souccoth, dans ces
éphémères cabanes qui symbolisent pourtant la protection
Divine dont nos ancêtres ont bénéficié dans le
désert, puis à travers toutes les générations
de cet exil qui va bientôt se terminer. Durant ces 3500 ans depuis
le don de la Torah et plus particulièrement durant ces deux mille
années d'exil parmi les Nations, nombreux sont ceux qui ont tenté
de se mettre au travers de notre attachement à D.ieu et à
Ses Commandements. Que ce soit pour nous exterminer comme Pharaon ou comme
Haman, dont tous connaissent la fin, que ce soit pour s'en prendre à
notre volonté de servir un D.ieu Unique, comme les Grecs ou les Romains,
ou plus près de nous les Croisés et l'Inquisition. Que ce
soit enfin sous une forme plus sournoise qui s'attaquerait à la seule
pratique des Mitsvoth et la poursuite de leur enseignement aux jeunes générations.
Nos ennemis sont entrés dans les cimetières de l'Histoire,
et le Peuple Juif est encore là.
Qu'il soit clair que rien ne peut empêcher les Juifs de pratiquer
leur religion. Rien au monde ne peut nous ôter les Commandements que
nous avons reçus du Créateur depuis plus de deux mille ans.
Notre Sainte Torah nous a ordonné de résider dans une Souccah,
et malgré cet exil interminable, nous ne l'avons pas abandonné
et n'abandonnerons jamais ses ordres."
Le Gouverneur écouta avec attention les paroles du Rabbin, puis quitta le bateau suivi de tous ses hommes.
Ce fut un Souccoth particulièrement joyeux à Kiev. La joie de la fête était
mêlée à la joie d'avoir fait échouer ceux qui avaient tenté de les détourner
de l'accomplissement des Mitsvoth.
A compter de ce jour, le Gouverneur ne fit plus rien contre les Juifs, et
annula même tous les décrets qu'il avait pris contre eux auparavant.
Traduit de Otsar Ha'hag, Souccoth
Mena'hem Mandel, Jérusalem 5745