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des fêtes juives
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L'arme secrète
Souccot pendant la Guerre de Corée
par Nissan Mindel
Le caporal
Irving Stolz était vraiment furieux que sa permission ait été
subitement annulée. Il avait déjà pris toutes ses dispositions
pour passer la fête de Souccot à Tokyo avec de vieux amis. Il
s'était vu assis dans une paisible Souccah, loin du champ de bataille
où les chants des zemiroth ne seraient pas étouffés et
ses rêves ne pas interrompus par le ronronnement des avions au ciel
et l'explosion des obus tombant tout près.
La Providence en avait décrété autrement, car deux jours
avant Souccot les instructions suivantes furent reçues : dans trois
heures la division devait se mettre en marche. Elle avait été
maintenue en réserve en attendant l'offensive générale
qui devait être lancée sur le front, en Corée centrale.
Eh bien, voilà. C'était la guerre et Irving ne pouvait rien
y changer. Il ramassa rapidement ses quelques bagages. Pendant un moment,
il caressa tendrement le petit sac en velours avant d'y mettre ses biens les
plus précieux: les Tefiline. Bientôt ses bagages furent prêts.
À cet instant, il reçut un colis, par courrier spécial.
Il lui était envoyé par son père. Irving fut content
d'en retirer un Loulav et un Étrog, qui était un fruit parfait
sans aucun défaut. "Quel bel Étrog !, pensa Irving, respirant
son parfum agréable. Comme c'est gentil à mon père d'avoir
pensé à moi et de m'avoir envoyé cette chose merveilleuse",
se dit-il, plein de reconnaissance. Pourtant, il n'avait plus le temps de
mettre sur le papier ses pensées et d'envoyer une lettre. Qui sait
quand il pourrait écrire la prochaine fois ?
Irving, regardant le Loulav avec ses rameaux de myrte et de saule ainsi que
l'Étrog, se demanda s'il pourrait les utiliser. Finalement, il les
remit dans la boîte en fer qu'il fourra dans son sac.
Quelques secondes plus tard, la division reçut l'ordre de se mettre
en marche. Irving monta dans une jeep et la division se dirigea vers les premières
lignes du front en traversant des routes boueuses et primitives. La nervosité
qui s'était emparée de lui à la pensée de la bataille
imminente avait fait place à une nouvelle émotion causée
par le colis qu'il venait de recevoir. Il éprouva à ce moment-là
un soulagement d'emporter avec lui en plus des Tefiline, le Loulav, l'Étrog,
le myrte et le saule pour le protéger du danger.
Les jours suivants la division à laquelle Irving était attaché
participa à de dures batailles. Irving avait peu d'occasions de penser
au Yom Tov. Néanmoins, deux fois, il eut le temps de sortir son Loulav
et son Étrog et de les bénir. Bien qu'il ne pût à
peine se tenir debout tant il était fatigué et fourbu et tandis
que ses camarades s'étaient allongés pour profiter de quelques
minutes de sommeil, Irving fit les mouvements prescrits, c'est-à-dire
le Loulav dans la main droite et l'Étrog dans la main gauche, il les
agita dans les quatre directions, en haut et en bas, proclamant ainsi la domination
de D.ieu sur la terre entière et aussi pour chasser les forces du mal.
Il sentit que cet acte symbolique pratiqué par les Juifs contenait
plus de puissance que toutes les armes que les "Rouges" pouvaient
utiliser.
À ce moment-là, il ressentit une sécurité et un
calme qu'il n'avait jamais connus avant.
Les forces des Etats Unis avaient pénétré profondément
dans les lignes de l'ennemi, et, bien que tous les objectifs fussent atteints,
quelques jours étaient nécessaires pour la consolidation des
positions.
Souccot était passé depuis longtemps. Le Loulav et l'Étrog
étaient fanés et à peine reconnaissables, mais Irving
ne pouvait se décider à les jeter, bien qu'ils ne lui fussent
plus d'aucune utilité.
Une nuit
brumeuse, les Rouges commencèrent à contre-attaquer. La surprise
et la violence jouèrent en leur faveur. Ils envahirent les positions
des forces alliées qui furent obligées de reculer. Pendant cette
retraite, Irving perdit ses bagages. Sa compagnie supporta le choc de l'attaque,
car elle défendait une colline stratégique. Les hommes avaient
reçu l'ordre de contenir l'ennemi aussi longtemps que possible pour
permettre au gros de l'armée de se retirer. C'est en exécutant
ces ordres qu'Irving fut gravement blessé.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, il se trouvait à l'hôpital militaire
de Tokyo où il avait été transporté par avion.
Sa vie n'était plus en danger et il commençait à se remettre
de ses blessures. Un jour, alors qu'il était en train de reprendre
la lecture de brochures de "Talks and Tales" (l’édition
en anglais de "Conversations avec les Jeunes") qu'il recevait régulièrement
tous les mois de Brooklyn, quelqu'un lui tapa sur l'épaule et lui demanda
de le suivre dans son bureau.
Là, un capitaine en uniforme impeccable lui serra la main. "Comment
allez-vous, Sergent ?", lui demanda-t-il en soulignant particulièrement
le mot "sergent". "Caporal Stolz, mon capitaine, à vos
ordres, répondit-il. Ça va très bien, merci, mon capitaine."
– Vous êtes promu au grade de sergent. De plus, vous êtes
cité à l'ordre de l'armée pour le courage dont vous avez
fait preuve et vous êtes proposé pour la Médaille militaire.
Irving, tout étonné, demanda d'une voix tremblante : "Est-ce
que j'ai fait des choses si extraordinaires ?"
– Vous avez sauvé beaucoup de vies humaines et failli perdre
la vôtre. Je suis fier de vous serrer la main, dit le capitaine.
Un instant plus tard, Irving s'étant remis de cette surprise, le capitaine
sortit de sa serviette un grand dossier et l'ouvrit.
– Nous voudrions mettre au clair quelques questions, sergent, dit le
capitaine. Lorsque nos forces conquirent le quartier général
de renseignements des Rouges, nous découvrîmes un dossier intitulé
"Secret et Confidentiel". Ce dossier comprenait un rapport détaillé
concernant une "nouvelle arme" capturée à l'armée
américaine. Le service de renseignements des Rouges travailla dur pour
déterminer la nature de cette nouvelle arme, mais ne parvint pas à
trouver la solution de ce mystère. Ils la décrivent comme étant
une chose suspecte, la dimension d'une grenade environ, camouflée par
une branche de palmier. Le rapport continue et dit qu'après avoir pris
toutes les précautions, cette chose a été envoyée
à Moscou pour en vérifier et déterminer la nature et
que l'on attendait les résultats définitifs. Le dossier contenait
un film et vous le verrez sur l'écran. Le capitaine se dirigea alors
vers le projecteur et le mit en marche.
Irving reconnut immédiatement son sac et il vit un officier coréen
du service secret qui l'ouvrait. Puis, le soldat Rouge sortit une boîte
en fer dans laquelle Irving avait mis son Étrog et le Loulav enroulés
dans du papier argenté. Les Rouges manipulaient ces deux objets avec
beaucoup de précautions, les regardaient de tous les côtés
et les remettaient dans un coffre-fort. Ici, le film s'arrêtait et Irving
commença à rire. Il riait et riait fort et le capitaine riait
avec lui. Leurs rires avaient la force du tonnerre, de sorte que des secrétaires
accoururent, inquiètes, pour voir ce qui se passait.
Finalement, le capitaine redevint sérieux et dit : "Quelques-unes
de ces "armes secrètes" sont passées par notre bureau,
à l'intention des aumôniers juifs, pour la fête de Souccot.
Étiez-vous aumônier, sergent ?"
– Non, mon capitaine, mon père me l'avait envoyé, puisque
chaque Juif doit observer ce rite pendant la fête de Souccot.
– Mais vous auriez pu prendre avec vous quelques provisions supplémentaires
pour le front au lieu du Loulav et de l'Étrog. Était-il si important
d'amener ces deux choses sur le champ de bataille ?
– Voyez-vous, capitaine, la Souccah est la hutte que nous construisons
pour y manger pendant la fête et le Loulav et l'Étrog nous garantissent
la protection de D.ieu. Je ne peux pas vous expliquer la valeur que ces objets
avaient pour moi. Ils me donnaient du courage et de la foi. C'est la raison
pour laquelle je les ai apportés avec moi dans la bataille.
– Pensez-vous que vous auriez pu faire les actes que vous avez faits,
même sans le Loulav et l'Étrog ?
– Je ne sais pas, mon capitaine, mais je suis sûr qu'ils y ont
contribué.
– Mon D.ieu, si tous les militaires juifs prenaient avec eux, dans la
bataille, un Loulav et un Étrog, on aurait déjà gagné
la guerre. En tout cas, mes félicitations, sergent, et mes meilleurs
vœux de réfoua chéléma (de bonne convalescence).
– Êtes-vous juif, mon capitaine ?
– Oui, mon ami, mais, jusqu'à maintenant, je ne savais pas jusqu'à
quel degré je me sentais juif. Chalom !
Et les deux soldats juifs se quittèrent en souriant.
http://www.fr.chabad.org/library/article_cdo/aid/997750/jewish/Larme-secrte.htm