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Site
des fêtes juives
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Un pauvre de passage fut un Chabbath
invité à la table d'un riche bourgeois. Au cours du repas
de Chabbath, le maître de maison ne manqua pas de faire un commentaire
sur un passage de la Torah, puis ses gendres et tous les invités
prirent également la parole pour dire des mots de Torah. Lorsque
le pauvre fut invité à prendre la parole, il déclara
qu'il ne savait pas commenter la Torah.
Lorsque les invités s'en furent chacun dans sa chambre pour se reposer,
un des gendres tança vertement notre invité. "Comment est
ce possible que tu ne saches pas un mot de Torah? Tu n'es qu'un ignorant,
un pauvre type, un pauvre à la mesure de ta pauvreté d'esprit
" et encore bien d'autres choses encore moins agréables, qui
mirent l'invité hors de lui.
Excédé, il se tourna vers son interlocuteur:
"De quel droit me parles tu avec tant d'assurance et d'orgueil? Tu seras
rabbin dans un petit village à deux pièces par semaine, et
tu te gonfles à ce point?"
La fureur du gendre redoubla. Lui, de bonne famille, gendre d'un richissime
commerçant, entretenu par son beau-père et son père
pour pouvoir s'adonner sans limite à l'étude de la Sainte
Torah, lui qui n'avait pas du tout l'intention d'abandonner l'étude
pour être rabbin dans une communauté, voilà qu'un miséreux
lui prédisait un avenir des plus sombres!? Il cria de plus fort,
au point que le maître de maison sortit de sa chambre pour s'enquérir
de ce qui se tramait.
"Que signifie ce langage, mon ami?"
Le pauvre se rassit et invita les présents à faire de même.
"Je vais vous raconter mon histoire.
Je ne suis qu'un simple tailleur, d'un petit village lointain. J'ai longtemps
vécu du travail de mes mains, en allant de village en village, de
château en château, là où mon travail était
apprécié.
Un jour, un châtelain me demanda de préparer des livrées
pour tous ses nombreux serviteurs, qu'il voulait tous habillés d'un
même uniforme. Après avoir calculé le nombre de vêtements
à préparer, le métrage de tissu, les journées
de travail et mon salaire, j'acceptais sa proposition. C'était une
véritable aubaine, d'autant que ce noble me connaissait pour des
services rendus par le passé, et me faisait entièrement confiance.
Muni des sommes nécessaires, je me rendis en ville pour acquérir
les étoffes, les galons, fils et boutons nécessaires.
Arrivé en ville, j'eus la désagréable surprise d'assister
à un spectacle des plus infâmes. On menait au travers de la
ville une famille entière, pour les jeter aux oubliettes. Ils n'avaient
pas payé le loyer de leur auberge au seigneur local, et il les faisait
jeter au fond d'une fosse du château, où ils allaient mourir
de faim et de froid.
J'eus pitié de cette malheureuse famille, et questionnai les sbires.
Ils devaient au seigneur exactement la somme que j'avais en poche pour faire
mes achats. Une somme rondelette, mais que je n'hésitai pas à
verser pour libérer cette famille du malheur qui les attendait.
Le chef de famille vint me remercier.
"Pour ce que tu as fait, je ne peux pas te rembourser dans ce monde, mais
saches que tu seras remboursé dans le monde futur. Une promesse bien
gentille, anodine presque, mais j'appris par la suite que cet homme était
un Tsaddik, un de ces 36 Justes dont le mérite sauve sa génération.
De retour au château, je dus raconter que des bandits m'avaient détroussé,
et le châtelain me fit remettre la même somme pour que je puisse
acheter tout le nécessaire. Je pus ainsi faire le travail convenu
avec lui, puis rejoindre mon village.
Dans notre village nous étions pratiquement les seuls juifs. Pour
les fêtes de Tichri, moi et ma femme avions l'habitude de nous rendre
dans une grande ville, pour passer les fêtes dans une communauté
juive.
La veille de Yom Kippour, j'ai toujours eu l'habitude d'arriver de bonne
heure à la synagogue. En quelque sorte pour "rembourser" les heures
de présence dans une synagogue qui me manquent tout au long de l'année.
Cette année là, je fis de même, et m'installai près
de la porte, enveloppé dans mon Talith, et commençai à
lire des Psaumes en attendant que l'on commence Kol Nidréï.
Et il apparut devant moi. L'homme que j'avais sauvé, habillé
dans des vêtements qui laissaient comprendre qu'il avait quitté
ce monde, se mit à côté de moi.
"Je suis venu te récompenser pour ce que tu as fait pour nous. Je
vais t'expliquer ce qu'est Yom Kippour, ce que cela signifie dans le monde
d'en haut."
Il me parla de Kol Nidréï tel qu'on l'explique là haut,
des Psaumes que l'on lit en pleurant toute la nuit, de la longue confession
de Kippour, du Service du Grand Prêtre dans le Temple, des prières
qui le remplacent dans nos synagogues. De la Néïlah, lorsque
toutes les portes du Ciel s'ouvrent pour recevoir les supplications du Peuple
Juif. Tout ceci prit beaucoup de temps, et lorsqu'il termina, il me dit
"ceci, c'est ce qui se passe dans le monde de "Assiya" spirituelle (le monde
de l'Action spirituelle!). Et il reprit toute la description de Kippour
dans le monde de "Bériyah" puis dans le monde de "Yétsirah"
puis
Tout ceci m'avait mis dans un état émotif très fort,
bien que je ne comprenais rien à toutes ces choses. Les larmes coulaient
de mes yeux fermés. J'étais là et je pleurais.
Puis je sentis que l'on me bousculait de tous les côtés. Il
était clair que toute la communauté venait d'arriver et comme
je n'étais pas de la ville, je me poussais à chaque mouvement
de foule pour être certain de ne pas occuper la place d'un des fidèles
de la "schule". Et je continuais à pleurer en pensant à tout
ce que je venais d'entendre.
Jusqu'au moment où j'entendis des autres pleurs. "Ce n'est pas parce
que je suis le Chamach (bedeau) que je dois t'attendre pour aller manger
."
J'ouvris les yeux. La salle était vide, les fidèles qui me
bousculaient tout à l'heure étaient déjà rentrés
chez eux: Yom Kippour était terminé!
La vision était terminée. Avant de me quitter, le Tsaddik
m'avait glissé "Tout ceci n'est qu'un début. Vas chez le 'Hozé
de Lublin (le "Voyant" de Lublin) pour recevoir la suite.
Vous dire à quel point j'étais perturbé? Sûr
que ce qui m'arrivait passait au-dessus de la tête de l'homme simple
que j'étais. J'étais comme écrasé par le poids
d'une telle révélation qui était bien au-delà
de mes capacités spirituelles.
Arrivé à l'auberge j'eus bien de la peine à manger
le repas que ma femme avait préparé. Juste une idée
fixe me revenait: aller à Lublin, aller à Lublin.
Et je partis pour Lublin. Le 'Hozé savait déjà tout
lorsque j'arrivai devant lui.
"Puisque tu n'es pas encore prêt à tout recevoir, tu vas rester
avec moi pour l'instant. Ta préparation sera de prier mot à
mot avec moi dans mon livre de prières pendant toute une année."
Et pendant toute l'année, je priai mot à mot avec le Rabbi.
Au bout d'un an, le Rabbi me dit "Pars en exil pour trois ans!".
Avant mon départ, le Rabbi me fit un cadeau. Chaque homme que je
verrai, je le percevrai dans toutes ses dimensions depuis sa naissance jusqu'à
son dernier souffle.
Je suis actuellement dans ces pérégrinations d'exil, et je
vois sur ton gendre qu'il sera rabbin dans un petit village à deux
dinars par semaine".
Par la suite, le riche perdit toute sa fortune. Son gendre fut forcé
de chercher un emploi, et se résigna à l'idée de prendre
une charge rabbinique. Lorsqu'on lui proposa un poste à trois dinars
la semaine ou un poste à deux dinars la semaine, il choisit le poste
à deux dinars la semaine, comme il l'avait entendu de la bouche de
ce saint homme
Traduit de "Chemouot VeSippourim" Vol 1
Rav Raphaël Na'hman Kahn