Les fêtes juives
Un dossier Alliance
Réalisé par Aharon
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Un rabbin écouté.

C'était un après-midi tranquille à Tbilissi, la capitale de la Géorgie soviétique. 'Hakham Yaakov Dovershvili, le Grand Rabbin de la ville, enseignait la Torah à ses élèves comme d'habitude. Le cours se termina. Un homme s'approcha alors de lui, il était vêtu comme un paysan; il demanda à lui parler dehors. Mais une fois dehors, il ouvrit un peu son manteau: glacé d'effroi, le 'Hakham Yaakov s'aperçut que son interlocuteur portait un uniforme de la police.
"Tu es arrêté" dit le policier en civil. Et il l'amena au poste. L'arrestation s'était produite en silence et sournoisement afin de ne pas ameuter la communauté juive qui aimait beaucoup son rabbin: non seulement il était versé dans l'étude de la Torah, mais il savait instinctivement trouver le chemin du cœur de chacun. Cela faisait déjà des dizaines d'années qu'il était au service de sa communauté et il avait formé des générations d'étudiants qui à leur tour étaient devenus rabbins.
On était en 1923. La Révolution Bolchevique de 1917 avait mis six ans avant d'atteindre la Géorgie en Asie Centrale, et de réprimer toute velléité anticommuniste; les premières victimes en furent bien sûr les Juifs et surtout leurs leaders.

Rabbi Yossef Its'hak  Schnersohn
Rabbi Yossef Its'hak Schneersohn


Le 'Hakham Yaakov qui était un adepte de Rabbi Yossef Its'hak Schneersohn de Loubavitch savait qu'il figurait en bonne place sur la liste. Au poste de police, 'Hakham Yaakov rencontra dix autres notables de la communauté qui avaient été arrêtés de la même façon que lui, chacun sous un autre prétexte. Mais ils ne purent discuter très longtemps ensemble, chacun ayant été placé dans une cellule différente, petite et humide.
'Hakham Yaakov attendait avec inquiétude la suite des événements. Les jours passaient. Les interrogatoires se succédaient, longs, fatigants et souvent accompagnés de coups et de tortures. 'Hakham Yaakov revenait à chaque fois dans sa cellule, brisé physiquement, angoissé, à bout de forces. Un soir qu'il revenait d'une de ces séances épuisantes, alors que tout son corps n'était qu'une plaie béante, il réussit avec peine à s'endormir. Et déjà on le réveilla pour continuer "l'instruction du procès". Avec peine il se traîna jusqu'au bureau des interrogatoires et parvint à s'asseoir: l'équipe des policiers frais et dispos en face de lui ne dissimulait pas une satisfaction sadique, si près du but: il allait sûrement céder maintenant.

 

Mais cette fois-ci, au lieu de répondre aux sempiternelles questions à propos de ses "complices" et de ses activités "contre-révolutionnaires", 'Hakham Yaakov demanda la permission de raconter une histoire. Intrigués, les policiers la lui accordèrent.
Torture sous l'Inquisition

"C'était à l'époque de l'Inquisition en Espagne. Les Chrétiens avaient accusé les Juifs de Madrid d'avoir tué un enfant catholique pour utiliser son sang pour la cuisson des Matsot: une fois de plus, l'accusation de meurtre rituel. Cette accusation aussi stupide que criminelle, était utilisée contre des innocents. Le Rav de la ville avait été jeté en prison, alors qu'il était âgé et malade. Il ne put supporter les supplices qu'on lui infligeait et finit par "avouer" tout ce qu'on voulait".
Tout en parlant, 'Hakham Yaakov roula la manche de sa chemise, et remonta le bas de son pantalon, montrant ainsi aux policiers les traces de coups et de tortures qu'il avait subies. Les policiers se regardaient sans comprendre. Il continua son histoire.
"Lorsque le roi apprit ce qui s'était passé, il ordonna que tous les condamnés périssent d'une mort atroce: on les ferait entrer dans des tonneaux à moitié remplis de clous qu'on ferait rouler dans les rues de la ville. Au jour dit, le roi prit le privilège d'être celui qui forcerait le Rav à entrer dans le tonneau. Mais à ce moment-là, il fut frappé d'un malaise et s'évanouit.

Quand il reprit ses esprits, il reconnut que c'était là la main de D.ieu. Il ordonna une contre-enquête et la vérité se fit jour: les Juifs n'étaient pas coupables".
chaise à clous...'Hakham Yaakov termina ainsi son histoire et se tut. Alors les policiers comprirent le sens de ses paroles. Le commissaire sourit d'un air narquois et demanda: " Pourquoi alors ton D.ieu ne punit-il pas l'enquêteur qui, selon tes dires, t'a torturé pour t'arracher des aveux"?
'Hakham Yaakov ne s'émut pas de la question. "Je ne mérite pas que D.ieu fasse pour moi un miracle comme Il a fait pour ce Rav en Espagne. Mais pour moi, il est clair qu'un jour viendra et D.ieu saura quoi faire à celui qui m'a fait du mal".
L'interrogatoire se termina ainsi. Toute la nuit, 'Hakham Yaakov ne put dormir car il se demandait s'il méritait que D.ieu venge ses souffrances. Au matin, il entendit de nouveau le bruit des pas des gardiens, et fut saisi d'angoisse à l'idée des tortures qui l'attendaient. Mais à sa grande surprise, il fut amené dans une grande salle, propre et confortable.
On le fit asseoir autour d'une table couverte de fruits et de toutes sortes de nourritures appétissantes. N'en croyant pas ses yeux, il se dit que ce devait être encore une des ruses diaboliques de ses gardes. Mais l'atmosphère était différente. Les policiers le regardaient cette fois ci avec déférence, presque avec peur. Il ne comprenait pas pourquoi.
Pourtant bientôt il apprit ce qui s'était passé. Le matin même, la fille de son "inspecteur" était tombée dans une bassine d'eau bouillante. Elle était morte de ses brûlures. Voyant cela, sa mère avait perdu la raison, s'était jetée par la fenêtre et était morte à son tour. La tragédie qui était arrivée à leur "collègue" avait bouleversé les policiers. Ils se rappelèrent alors l'histoire de 'Hakham Yaakov. Le même jour, celui-ci était libéré. Il ne fut plus jamais inquiété.

(Version proche dans "Sippourim ché-ahavti lesaper" volume 2, Touvia Litzman)

Aharon
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