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Site
des fêtes juives
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Le trésor
caché d'une Menorah pas comme les autres...
Abraham, le père de Diego, était un homme à la fois érudit
et riche. Il était connu dans toute l'Espagne pour ses chefs-d'œuvre
en argent ciselé. Aucun autre argentier ne l'égalait et personne
n'était plus capable que lui de faire des gobelets décorés
de fleurs ou de têtes d'animaux. Nul ne savait donner au métal
une telle douceur et une telle vivacité. Cet homme était devenu
un des chefs les plus riches et les plus honorés de la communauté
juive de Burgos.
A cette époque, de sombres nuages apparaissaient à l'horizon
de la vie heureuse que menaient les juifs d'Espagne. Nombreuses étaient
les villes qui étaient témoins de persécutions juives
et l'Inquisition marquait le pas. Parmi les pires ennemis des Juifs se trouvaient
des renégats convertis qui essayaient de surpasser les Chrétiens
en cruauté, en torturant leurs coreligionnaires. Un de ceux-ci, Paulus
de Burgos, de triste réputation, sema la mort et les souffrances parmi
des milliers de familles juives, faute de pouvoir les convertir.
Abraham avait des amis puissants. Un commerçant de Rome qui autrefois
était un de ses admirateurs et un de ses meilleurs clients, usa de
son influence pour obtenir sa libération. De plus, il lui paya son
voyage ainsi qu'à sa femme et à son fils, Diego. Ils s'étaient
embarqués sur un bateau portugais dont le capitaine ne perdait aucune
occasion de voler aux réfugiés juifs, si éprouvés,
les derniers biens qui leur restaient, et de les faire mourir en les privant
de nourriture et en les forçant à vivre dans des conditions
insalubres. Les parents de Diego ne résistèrent pas à
cette épreuve et moururent avant que le bateau atteignit le port de
Gênes. Alors, le capitaine, une vraie brute, fit envelopper leurs corps
dans une toile grossière et les jeta à la mer. Diego, jeune
garçon de douze ans, était maintenant tout seul au monde.
SEUL AU MONDE
A Gênes, les malheureux passagers quittèrent le bateau et Diego
trouva refuge auprès d'une riche famille juive. Mais il ne devait pas
y rester longtemps, car le Conseil Municipal ordonna à tous les juifs
espagnols de quitter Gênes dans les deux jours. C'est ainsi que le pauvre
enfant reprit son voyage dangereux, privé de tendresse et d'une vie
régulière nécessaires à un garçon de son
âge.
Il se joignit à un groupe de Juifs qui avaient entendu parler d'un
pays septentrional, la Hollande, qui, disait-on, était prête
à recevoir les réfugiés juifs espagnols. Ils avaient
également entendu parler de Dona Gracia et de son neveu, Don Joseph
Nassi, qui donnaient sans compter, leurs richesses, qu'ils avaient réussi
à sauver, pour venir en secours à leurs frères en détresse
qui, bien que chassés et méprisés, étaient néanmoins
fiers de leur passé. Le groupe auquel s'était joint Diego allait
de ville en ville, demandant des aumônes et vendant les derniers biens
qui lui restaient. Abraham n'avait pas pu emporter grand chose, et lorsqu'il
mourut, il ne laissa que très peu à son fils.
Pendant ces mois de voyages incessants, Diego avait perdu ou vendu tout ce
qu'il avait hérité de son père. II n'avait gardé
qu'un seul objet qu'il portait cousu dans son costume de velours bleu foncé
: une belle petite Menorah (un candélabre) en argent. Il l'avait reçue
de son père le jour de son anniversaire et celui-ci lui avait demandé
de ne jamais s'en défaire, même dans les jours de détresse.
C'est la raison pour laquelle le pauvre garçon n'avait gardé,
en souvenir de son cher père, que cette Menorah qui était un
vrai chef-d'œuvre. Il se sentait souvent près de mourir de faim,
mais à aucun moment l'idée ne lui vint de se séparer
de cette petite Menorah.
En effet, ce petit candélabre était le dernier maillon que le
liait à un monde qu'il avait perdu et qui, dans sa détresse
actuelle, lui semblait un paradis qui n'existait que dans des rêves.
Après un voyage mouvementé le long de la côte méditerranéenne,
Diego et son groupe arrivèrent en France. Là, ils suivirent
la vallée du Rhône, jusqu'à ce qu'ils arrivèrent
au Rhin. Nulle part, ils ne recevaient l'autorisation de rester plus de quelques
jours. Beaucoup de ceux qui avaient un certain âge, ne purent supporter
les fatigues et les tourments de ce pénible voyage et moururent.
Diego qui avait été un garçon fort et plein de santé,
devenait pâle et commençait à perdre ses forces. Il aurait
péri depuis longtemps pendant ce périple si le vieux Rabbi Jacob
de Castillo n'avait pris soin de cet orphelin comme de son propre fils. Car
ce vieillard intelligent, au caractère endurci par de longues années
de voyages et de souffrances et connaissant bien la vie, trouvait toujours
une solution pour aider et réconforter le jeune homme. Rabbi Jacob
de Castillo apprenait à Diego la source du Judaïsme et la tradition
juive, lui expliquant pour quelle raison il devait tant souffrir, tandis que
d'autres enfants pouvaient s'amuser dans les rues, protégés
par leurs parents. Il lui apprit à rester fier et à ne pas perdre
sa dignité malgré les jurons et les pierres jetés contre
les Juifs.
C'est ainsi que les deux hommes, le vieux Rabbin et le jeune Diego, longeaient
le Rhin. Il leur arriva plus d'une fois d'être jetés dans d'infectes
prisons ou d'échapper à la dernière minute à un
danger mortel.
C'était déjà l'hiver lorsqu'ils arrivèrent à
Spire. Dans cette ville, il était interdit à tout Juif de passer
la nuit, car le Prince les avait tous chassés de son territoire. Pour
comble de malheur, Rabbi Jacob tomba subitement malade, terrassé par
une pneumonie qu'il avait attrapée en dormant par terre dans une forêt
par une froide nuit d'hiver. Diego fut obligé de le transporter dans
un petit village non loin de Spire où il loua une modeste chambre dans
une simple auberge au bord de la route. Là, dans cette pièce
nue, Rabbi Jacob rendit l'âme, laissant Diego tout seul dans un monde
cruel et hostile.
Après avoir enterré son ami et professeur, Diego poursuivit
sa route jusqu'à ce qu'il arrivât un soir dans une petite ville.
Là, il vendit les vêtements du Rabbin et avec l'argent il acheta
un morceau de pain et loua une chambre.
LE TRESOR CACHE
En réalisant que c'était la première nuit de 'Hanouccah
et aussi son anniversaire, il ne put résister, et avec le peu d'argent
qui lui restait il se procura deux petites bougies. Puis, il revint dans sa
chambre, ouvrit la couture de son costume de velours et en sortit la petite
Menorah en argent. Il la polit jusqu'à ce que l'argent brillât
de tout son éclat, et il alluma la première bougie de 'Hanouccah.
En voyant la petite flamme vaciller et la bougie se consumer, de grosses larmes
coulèrent sur ses joues. II resta longtemps devant ce feu sacré,
se remémorant le vieux temps lointain où il était si
heureux et oubliant complètement sa chambre froide et la situation
désespérée dans laquelle il se trouvait. Il caressa la
petite Menorah, touchant tendrement de ses mains ses parties ouvragées
et les boutons de fleurs qui couvraient toute sa tige.
Tout d'un coup, la partie inférieure de la Menorah s'ouvrit, car sans
s'en rendre compte, il avait poussé un bouton déclenchant un
mécanisme secret grâce auquel on découvrait l'intérieur
de la Menorah. Craignant d'avoir cassé le seul cadeau qui lui restait
de son cher père, il examina l'ouverture et y trouva une pochette remplie
de diamants.
A la partie supérieure de la Menorah, là où la tige était
surmontée d'un Maguène David, il trouva un petit morceau de
parchemin. Ses larmes mouillèrent cette écriture de son bon
père qui, des années après sa mort, s'adressait ainsi
à lui, lui disant qu'il lui avait fait cadeau de cette Menorah pour
son troisième anniversaire, dans l'espoir que ce trésor caché
lui rendrait service un jour, en cas de besoin.
En effet, ce père intelligent avait bien prévu les choses, car
dans la situation désespérée dans laquelle se trouvait
maintenant son fils, les pierres précieuses lui étaient d'une
aide inimaginable. Vendant les diamants, Diego se réserva une place
sur un bateau en partance pour Amsterdam. Après plusieurs semaines
de voyage agréable, il arriva dans cette ville puissante qui, à
cette époque, était le port de refuge de toutes les victimes
des persécutions. Il reprit le métier de son père et
devint un joaillier et un argentier de renom. Il en garda la petite Menorah
sous un globe de verre dans sa salle à manger, et bien que des amateurs
d'art lui eussent offert de grosses sommes d'argent pour ce chef-d'œuvre,
pour rien au monde il n'eût voulu le vendre.
Pendant des centaines d'années cette petite Menorah resta dans les
mains de ses descendants qui racontaient son étrange histoire à
tous ceux qui leur rendaient visite.
Extrait de Conversation avec les Jeunes