Avraham,
votre père
C’est de ce stade particulièrement élevé,
"de l’autre côté de la rivière", que D.ieu prit "Avraham,
votre père". Il lui apporta la connaissance, le guida, lui montra
de quelle manière il pouvait mettre en évidence la dimension spirituelle
de ce monde matériel limité.
Puis, "J’ai multiplié sa descendance et Je lui ai donné Its’hak",
qui n’était qu’un seul fils, mais pouvait, néanmoins, être
défini comme une "descendance multiple". Avraham possédait,
en effet, l’Attribut de bonté et Its’hak, celui de la sévérité.
La synergie de l’un et de l’autre, la puissance d’Its’hak et la bonté
d’Avraham reçurent effectivement de multiples manifestations dans le
monde.
Enfin, "J’ai donné le mont Séir à Essav" à titre
de cadeau, sans rien attendre de lui en contrepartie. Il n’en est pas de même
pour Yaakov et ses descendants, qui obtiennent les bénédictions
en rétribution de leurs efforts et de leurs accomplissements.
C’est la raison pour laquelle "Yaakov et ses fils descendirent en Egypte" afin
d’y acquérir, par leur effort, un droit d’héritage sur Erets Israël.
J’ai multiplié sa descendance
Chaque fois qu’il parvenait à ce passage de la
Haggada, le Rabbi Rachab poussait un profond soupir: "A l’âge de cent
ans, Avraham eut un seul fils. Est-ce là sa ‘multiple descendance?".
En fait, la Kabbala explique que la valeur numérique de Arbé,
"J’ai multiplié", est deux cent huit, la même que celle d’Its’hak.
Et, de fait, Its’hak a encore, à l’heure actuelle, de multiples descendants,
jusqu’à la fin des générations.
Yaakov et ses fils descendirent en Egypte
Rachi explique: "Yaakov perçut, par son inspiration
divine, qu’Israël construirait un Sanctuaire, dans le désert, pour
lequel il aurait besoin de bois de cèdre. Il emporta donc des cèdres
en Egypte et les planta, dans ce pays. Puis, il demanda à ses enfants
de les prendre avec eux, quand ils quitteraient l’Egypte".
Pendant toute la durée de l’exil long et amer, les enfants d’Israël
voyaient ces arbres grandir. Ils savaient qu’avant leur asservissement aux Egyptiens,
ces arbres avaient poussé sur le sol de la Terre Sainte, qui leur avait
été promise en héritage éternel. Ils les avaient
donc portés avec eux, avaient transmis à leurs enfants l’instruction
de Yaakov, la nécessité de les emporter, quand ils quitteraient
l’Egypte, afin de bâtir le Sanctuaire de D.ieu.
Pendant toute la durée de l’exil long et amer, ces cèdres murmuraient:
"Vous n’êtes pas chez vous. Vous venez d’un endroit plus élevé,
plus saint. Bientôt, vous quitterez ce lieu de dépravation et D.ieu
fera de vous Son peuple. Bientôt, vous nous déracinerez de cette
contrée étrangère et vous nous porterez triomphalement
vers le Sinaï. Là, vous vous servirez de nous pour construire la
demeure de la Présence divine, Qui se manifestera, en permanence, parmi
vous".
Baroukh… Gadol
D.ieu calcula la limite
D.ieu conçoit un plaisir infini du service de D.ieu
du peuple juif, réalisé en exil. Il pourrait donc faire que cette
situation perdure, sans fin. Malgré cela, Sa bonté fit qu’Il " calcula
la limite " et fixa un terme à la durée de cette période.
Pendant cet exil, "ils les oppressèrent", expression que l’on peut
également traduire: "ils les appauvrirent". La finalité de
la servitude d’Egypte était, en effet, d’élever les étincelles
de Divinité enfouies dans la matière de ce pays, qui s’en trouva
effectivement "appauvri".
Quand les enfants d’Israël menèrent à bien la mission qui
leur était confiée, l’Egypte fut spirituellement appauvrie, alors
qu’eux-mêmes "quittèrent ce pays avec une grande richesse".
Ils quitteront ce pays avec une grande richesse
Avant l’exode, D.ieu demanda aux enfants d’Israël de
s’approprier les biens de l’Egypte, afin que Avraham ne puisse prétendre
que la promesse de leur conférer une grande richesse n’avait pas été
accomplie. Or, Avraham aurait sûrement accepté de renoncer à
cette promesse, pourvu que la libération de ses enfants en soit hâtée.
Chaque objet, chaque force, chaque phénomène qui existent possèdent
en eux une parcelle de Sainteté, une étincelle de Divinité,
qui en est l’âme, l’essence spirituelle. Cette étincelle est l’expression
du Désir divin de conduire cet objet à la vie, de lui permettre
d’assumer son rôle, au sein de la création. Si quelqu’un utilise
l’objet pour le service de D.ieu, il investit son contour matériel, révèle
son essence divine et lui permet de prendre forme.
Et, c’est précisément pour cela que nous avons été
disséminés dans le monde entier. Chacun peut ainsi entrer en contact
avec la "grande richesse" de ces étincelles qui, en chaque endroit du
globe, attendent leur libération.
Les déplacements d’une personne, tout au long de son existence, d’un
endroit vers un autre, semblent être guidés par les forces du hasard.
En réalité, ils sont voulus par la divine Providence, guidant
l’âme vers les potentiels et les opportunités qui la concernent
directement.
En relevant ces défis que la divine Providence lance à chacun,
en utilisant chaque parcelle "d’or et d’argent" pour servir D.ieu, on libère
ces étincelles de leur exil. De la sorte, on réalise sa délivrance
personnelle, de même que celle de tout l’univers.
L’acquisition de la richesse de l’Egypte, plus précisément des
parcelles de Divinité constituant cette " grande richesse "
fut effectivement la finalité de l’esclavage. C’est pour cela qu’avant
l’exode, D.ieu dit à Moché: " De grâce, parle
au peuple… et que chaque homme emprunte à son voisin des ustensiles d’or
et d’argent".
Nos Sages rapportent les Paroles suivantes de D.ieu: "Ainsi, cet homme vertueux,
Avraham, ne pourra pas dire: la promesse selon laquelle le peuple sera assujetti
et oppressé pendant quatre cents ans a bien été tenue.
En revanche, l’assurance qu’il quitterait le pays avec une grande richesse n’a
pas été suivie d’effet."
Pourquoi était-il si important de s’approprier les richesses de l’Egypte?
Précisément parce que l’on menait à bien, de la sorte,
la finalité de la création, qui est l’édification, pour
D.ieu, d’une demeure ici-bas. Tel est l’effet du service de D.ieu du peuple
juif, qui affine l’aspect matériel de l’existence et révèle
l’énergie divine qui l’anime. Il était donc vital d’acquérir
les richesses de l’Egypte, car cette acquisition était le point culminant
du service de D.ieu.
Il découle de tout cela un enseignement pour l’époque actuelle.
Le présent exil, comme celui de l’Egypte, a pour but d’apporter l’élévation
à la matière du monde. Le service de D.ieu ne peut donc pas se
limiter à sa dimension morale. Bien au contraire, la spiritualité
doit s’introduire dans l’activité quotidienne. C’est ainsi que l’on peut
apporter l’élévation au monde et le préparer pour la délivrance
future.
Je jugerai la nation qu’ils serviront
D.ieu juge les nations non seulement du fait de leur
mauvais comportement, mais aussi pour que le peuple juif prenne conscience qu’Il
domine ces nations.
Les Juifs doivent donc s’en remettre à Lui, plutôt qu’aux autorités
de ce monde. S’ils commettent l’erreur d’exagérer leur pouvoir, ces nations
encourront la Sentence divine.
On soulève le verre
Soulever
le verre
* Avant de réciter le paragraphe Vehi Ché
Amda, on doit d’abord recouvrir les Matsot, "afin de ne pas leur faire honte",
puis soulever le verre, bien que la Michnat ‘Hassidim, le Sidour du Ari Zal,
le Choul’han Aroukh de l’Admour Hazaken et le texte de sa Haggada demandent
de soulever d’abord le verre.
Soulever le verre
Kos, le verre, a pour valeur
numérique quatre vingt six, comme le mot Ha Téva, la nature.
Il convient donc d’apporter l’élévation à la foi naturelle,
d’en pénétrer son existence, au point de transcender l’ordre naturel.
C’est cette promesse qui protège nos ancêtres
et nous-mêmes
La Haggada souligne, à maintes reprises, que la délivrance
d’Egypte ne fut pas entière et que la libération est, en conséquence,
un processus continu, qui se poursuit encore, à l’heure actuelle. C’est
pour cela que l’on a constaté la présence de "ceux qui ont faim"
et de "ceux qui sont dans le besoin", que l’on a même observé
un impie, parmi les quatre fils.
De fait, "en chaque génération, on se dresse pour nous exterminer"
et il n’en est pas ainsi uniquement parce que "le Saint béni soit-Il
nous sauve de leurs mains". La mission confiée au monde n’a pas
été pleinement menée à bien et l’Attribut de rigueur
est donc autoriser à porter une accusation. Mais, en tout état
de cause, "le Saint béni soit-Il nous sauve de leurs mains".
Cette promesse fait référence à la Mitsva de la foi en
D.ieu. La certitude qu’Il accomplira Sa promesse insuffle, en permanence, la
force de résister aux terribles oppositions, matérielles et spirituelles,
auxquelles l’homme est confronté dans ce monde.
Etant esclaves en Egypte, les enfants d’Israël devaient transformer la
matière du monde entier, mais ils ne parvinrent pas à obtenir
un tel résultat. Le mal put donc se maintenir et, à plusieurs
reprises, par la suite, il se dressa contre les Juifs, de sorte que "l’on s’en
prend à nous, pour nous détruire".
Mais, "le Saint béni soit-Il nous sauve de leur main". Cette phrase
exprime tout le paradoxe de la relation entre D.ieu et Israël, pendant
le temps de l’exil. D’une part, les autres nations attaquent le peuple juif,
montrant bien que celui-ci est soumis à l’ordre naturel. D’autre part,
D.ieu sauve les Juifs, établissant ainsi que Sa Providence est surnaturelle.
Sors et apprend
Pour apprendre de manière fructueuse, il faut,
au préalable, sortir de sa propre personne, se libérer des clichés
du monde afin d’observer la réalité telle qu’elle est vraiment.
Sors et apprend… Lavan voulut tout arracher
Comme on l’a indiqué, la Haggada souligne, de manière
incidente, dans ce passage, que, pour "apprendre", il faut "sortir",
se libérer des présupposés de l’esprit et de la pensée.
Or, "Lavan voulut tout arracher". Cela ne veut pas dire qu’il avait l’intention
de faire disparaître les enfants de Yaakov, qui, de fait, étaient
également ses petits-enfants. En fait, il voulait leur donner une éducation
basée sur ses propres conceptions, leur faire adopter le même mode
de vie que lui. C’est de cette façon qu’il pensait parvenir à
" tout arracher".
Contraint par le Décret divin
Le texte ne cite pas de verset, pour faire la preuve
que Yaakov vint en Egypte "contraint par le Décret divin", comme
il le fait pour toutes les autres affirmations figurant dans ce paragraphe.
En effet, une telle preuve n’est aucunement nécessaire. Le départ
d’un Juif en exil ne peut résulter que de la Parole de D.ieu.
Et, il en découle que celui qui se trouve dans l’obscurité la
plus totale ne doit nullement s’en affecter. Car, en réalité,
même à l’heure actuelle, l’exil n’a aucune justification. Il existe
uniquement du fait de la Décision de D.ieu de transformer la matière
du monde. Quand cet objectif sera atteint, il disparaîtra aussitôt
et ce sera la délivrance véritable et complète.
Soixante dix personnes
Le Talmud rapporte l’enseignement suivant: "La Torah dit
que les enfants d’Israël venant en Egypte étaient au nombre de soixante
dix. Pour autant, si l’on en établit le compte, on n’en trouvera que
soixante neuf. En effet, la soixante dixième était Yokhébed,
mère de Moché, qui naquit entre les murailles entourant l’Egypte".
Il y avait, en Egypte, une génération d’enfants d’Israël
nés en Terre Sainte, ayant reçu leur éducation dans un
environnement pur, pour lesquels l’Egypte corrompu était un lieu étranger
qui ne pouvait les concerner, qu’ils ne comprenaient pas, dont ils ne subissaient
pas l’influence.
Il y avait aussi, en Egypte, des enfants d’Israël nés après
que ces soixante dix personnes composant la maison de Yaakov s’y soient installées.
Ceux-là étaient éduqués dans la mémoire et
dans les traditions de " l’ancienne patrie". Pour autant, ils n’avaient
jamais eu d’autre horizon que l’Egypte. Ils avaient donc connaissance de la
culture et du milieu de leur patrie d’adoption. Ils pouvaient même parfois
les apprécier.
Il y avait enfin, en Egypte, une femme née "entre les murailles",
lorsque la maison de Yaakov entra dans le pays. Celle-ci cumulait, en son esprit,
la situation précédant l’exil et celle de l’exil proprement dit.
Elle n’était ni d’Egypte, ni d’ailleurs.
Cette femme était enracinée dans le passé et partie intégrante
du présent. Elle pouvait transformer l’Egypte sans être transformée
par ce pays.
Elle fut l’une des deux sages-femmes qui donnèrent naissance et élevèrent
une génération entière d’enfants d’Israël fidèles,
même sous le terrible règne du Pharaon.
Cette femme était Yokhébed, la mère de Moché.
Soixante dix âmes: Unité totale
Le terme Néfech, traduit ici par personne, est employé
au singulier dans le texte, bien qu’il désigne soixante dix hommes et
femmes. En effet, une unité totale régnait entre eux et celle-ci
est si forte qu’elle justifie l’emploi du singulier.
Nos Sages disent que le monde est constitué de soixante dix nations.
Le service de D.ieu des soixante dix personnes qui descendirent en Egypte avait
donc pour but d’affiner ces nations, de leur apporter l’élévation,
de leur faire prendre conscience de l’omniprésence divine.
Et, parmi ces soixante dix personnes, il y avait également Yo’hébed,
un enfant venant de naître, quand tous parvinrent en Egypte.
On peut en déduire le pouvoir que possède chaque enfant juif.
Même encore tout jeune, celui-ci peut transformer le monde entier.
Ils se distinguaient, là-bas
Pendant les deux cent dix ans de l’exil d’Egypte, les enfants d’Israël
ne se mêlèrent pas aux Egyptiens. Ils ne changèrent ni leurs
noms, ni leur langue, ni leur religion, ni leur manière de s’habiller.
Bien au contraire, ils se " distinguaient", étaient, à
l’évidence, différents.
Puis, par le mérite de leur foi, ils devinrent, en quittant l’Egypte,
les armées de D.ieu. Quiconque résiste, surmonte les épreuves,
ne change pas son nom, sa langue, sa religion et sa manière de s’habiller,
est véritablement un soldat de D.ieu, Qui lui permet de franchir tous
les obstacles.
Je t’ai observé, prenant appui sur tes sangs
Le Midrach donne, à propos de ce verset, l’interprétation
suivante: " En cette nuit, le sang du sacrifice de Pessa’h se mêle
à celui de la circoncision".
Se révélant pour libérer les enfants d’Israël, D.ieu
les trouva "nus de Mitsvot". Il leur confia donc deux Commandements, la circoncision,
alliance avec D.ieu conclue dans leur chair et le sacrifice de Pessa’h, supprimant
leur lien avec l’Egypte et ses dieux, afin qu’ils méritent cette rédemption.
La circoncision est liée au commencement. Grâce à elle,
un Juif, dès sa naissance, contracte une alliance, par laquelle il lie
son existence à D.ieu.
A l’opposé, le sacrifice de Pessa’h était offert par le "maître
de maison", un homme qui peut être déjà d’un certain âge,
qui a un passé, dont certains aspects doivent parfois même être
rectifiés.
De fait, demandant aux enfants d’Israël d’apporter le sacrifice de Pessa’h,
Moché précisa: "Retirez vos mains du service des idoles
et prenez un agneau", signifiant ainsi qu’ils devaient marquer une rupture par
rapport à leur passé idolâtre et repenser leur vie, afin
de devenir les serviteurs de D.ieu.
Concrètement, chaque instant de la vie de l’homme présente cette
dualité, étant à la fois le début de son avenir
et le point culminant de tout ce qu’il a accompli et vécu jusqu’alors.
Le défi qui se présente à l’homme est donc le suivant.
Chacun doit associer la fraîcheur de la naissance et les leçons
de la maturité, afin que chaque instant soit, tout à la fois,
un véritable commencement et le fruit d’un passé transformé
et optimisé.
Je t’ai multiplié comme les plantes du champ
Cette phrase donne la clé de l’essor d’Israël. Avant qu’une
plante pousse, sa graine doit se décomposer totalement dans le sol. Or,
il en est de même pour le peuple d’Israël, dans sa dimension collective
et pour chacun de ceux qui le composent, à titre individuel. Il faut
ôter l’enveloppe extérieure, pour permettre l’expression pleine
et entière du potentiel profond d’expansion que chacun possède.
Se servant d’une analogie, le verset affirme que "tu étais nu", bien
que les enfants d’Israël aient acquis, à l’époque, de nombreuses
qualités, comme en atteste cet autre verset, également cité
dans ce passage: "Tu as grandi, tu t’es développé et tu es devenu
très gracieux".
Malgré cela, ils étaient "nus", car ces qualités leur
avaient été accordées par D.ieu, sans qu’ils ne les méritent
par leurs efforts personnels.
Et, les Egyptiens nous firent souffrir
Au moment le plus âpre de l’exil, Moché s’écria
devant D.ieu: "Eternel, pourquoi as-Tu fait du mal à ce peuple?".
Cette plainte s’applique à l’histoire d’Israël, entièrement
baignée de larmes.
D.ieu introduisit Sa réponse de la manière suivante: "Je Me suis
révélé à Avraham, à Its’hak et à Yaakov".
Pourquoi évoquer ici le souvenir des Patriarches? En effet, ceux-ci sont
"le cœur d’Israël", ainsi qu’il est dit: "Avraham, celui qui M’a aimé",
alors que Moché est "notre maître", "la conscience d’Israël".
En fait, la conscience peut percevoir les raisons de la souffrance et du mal.
Elle comprend que les plus grandes capacités se révèlent
précisément en situation de défi et d’épreuve. Car,
sans la possibilité de faire librement le choix du bien ou du mal, aucune
action de l’homme n’est réellement déterminante.
Néanmoins, la conscience s’interrogera. Pourquoi doit-il en être
ainsi? D.ieu ne peut-Il agencer la réalité en sorte qu’elle
permette l’avancement sans imposer la douleur? Pourquoi les moments les
plus élevés de la vie doivent-ils alterner avec les chutes les
plus douloureuses?
La conscience n’acceptera jamais la nécessité du mal et de la
douleur. Le cœur, en revanche, perçoit, certes, cette douleur, mais,
à la différence de la conscience, il tolère la contradiction.
Le cœur qui aime peut à la fois s’opposer et aimer, juger et accepter.
Telle fut donc la réponse que D.ieu fit à Moché: "Tu es
la conscience d’Israël. Tu peux donc saisir Ma Vérité et,
par elle, illuminer le monde. Mais, tu es également le descendant d’Avraham,
d’Its’hak et de Yaakov, desquels tu as hérité un cœur juif, un
lien intrinsèque avec le Divin que les contradictions les plus terribles
ne sauraient remettre en cause.
De plus, l’expression "les Egyptiens nous firent souffrir" peut également
être traduite "les Egyptiens fraternisèrent avec nous". De
fait, l’une des difficultés de cet exil fut la familiarité imposée
par les Egyptiens.
Et, cette expression signifie également: "les Egyptiens nous rendirent
mauvais". En effet, un Juif n’est jamais intrinsèquement mauvais
et il le devient uniquement par contact avec un " Egyptien", avec
les événements du monde, qui l’écartent de sa nature profonde.
Et, ils construisirent des villes de stockage pour le Pharaon,
Pitom et Ramsès
Un Juif construit toujours. Parfois, il bâtit le Temple de D.ieu.
D’autre fois, il édifie une ville de stockage des forces du mal, pour
le Pharaon. En fait, tout dépend de son choix.
La vie véritable d’un Juif est son service de D.ieu et c’est cet aspect
que les Egyptiens voulurent rendre amer. Les enfants d’Israël s’écrièrent
alors qu’ils ne pouvaient supporter un tel éloignement du Divin. Ils
invoquèrent donc Sa pitié.
Nos Sages soulignent que les Egyptiens tentèrent de briser l’esprit des
enfants d’Israël. Pour cela, ils imposèrent les travaux masculins
aux femmes et les travaux féminins aux hommes. Pour ces derniers, les
travaux féminins étaient, certes, moins contraignants, mais ils
heurtaient leur nature profonde. Ils constituaient donc bien " un dur labeur".
Or, il en va de même pour notre service de D.ieu. Tout d’abord, certains
ignorent leur propre nature et entendent donc servir D.ieu en accomplissant
ce qu’Il n’attend pas d’eux. Ainsi, un homme riche se consacrera uniquement
à l’étude de la Torah, oubliant de donner de la Tsédaka.
Un érudit de la Torah s’engagera dans les activités communautaires,
au point de négliger son étude.
De telles erreurs sont graves car, si chacun doit servir D.ieu par toutes les
manières possibles, il lui faut également se connaître et
savoir ce que D.ieu attend de lui, ce qui doit, en premier lieu, concentrer
tous ses efforts.
Parallèlement, le fait de s’écarter des limites de sa personnalité
peut aussi avoir un aspect positif. Il faut, en effet, servir D.ieu même
au-delà de sa propre nature. Et, c’est précisément cette
contrepartie positive du " dur labeur " de l’Egypte qui hâtera
la fin du présent exil.
Dans le Torah Or, il est fait référence à ce "dur labeur,
par le mortier et par les briques " et, citant le Zohar, il explique que
‘Homer, le mortier, est une allusion mystique au Kal Va ‘Homer,
le raisonnement "a fortiori" qui est l’un des principes de l’exégèse
biblique et Levénim, les briques, au Livoun Hilkhata, la
clarification de la Loi. Ainsi, on peut échanger la servitude de l’exil
contre l’effort appliqué à l’étude de la Torah.
Par le mortier et par les briques
Du point de vue des lois de la pureté, les briques sont considérées
comme des entités nouvelles, totalement différentes du mortier
et de la paille qui ont permis de les confectionner.
En forçant les enfants d’Israël à fabriquer des briques,
les Egyptiens voulurent tarir leur pouvoir d’initiative. De cette façon,
les accomplissements nouveaux qu’ils introduiraient par leur effort concerneraient
uniquement le monde matériel et seraient étrangers au service
de D.ieu.
Ainsi, le peuple juif se constitua en tant que nation, en faisant cuire des
briques, en Egypte et, de fait, les briques restent l’essence de la mission
qui lui est confiée.
Pourquoi précisément des briques? Il est, de façon
générale, deux catégories de matériaux de construction,
ceux qui sont naturels, ‘confectionnés’ par D.ieu, les pierres et ceux
qui sont fabriqués par les hommes, le mortier et les briques.
D.ieu nous demande de bâtir nos vies avec des pierres. Dans notre existence
personnelle, celles-ci sont les éléments trouvant naturellement
leur place dans la Demeure de D.ieu, pouvant être utilisés dans
ce but. Il s’agit des traits de caractères positifs, des moments et des
endroits liés à la Sainteté, des objets et des forces permettant
l’accomplissement de la Mitsva.
Puis, il y a les éléments qui servent uniquement de matière
première à cette construction. Il s’agit de nos instincts égoïstes
et animaux, du monde matériel occultant la Vérité du Créateur,
de tout ce qui, par nature, ne représente pas la Sainteté et la
Divinité ou même s’en écarte.
Pour que ces derniers éléments puissent figurer dans la demeure
de D.ieu que chacun bâtit, par sa propre existence, il faut en constituer
des briques, les façonner, leur donner une forme qu’ils n’avaient pas
auparavant, les faire cuire à la flamme du don de sa propre personne
et de l’amour de D.ieu.
De la sorte, ces briques deviennent aussi solides et stables que les ‘pierres’
sacrées et occupent leur place au sein de l’édifice qui est bâti
par chaque Juif.
Nous avons lancé un cri vers D.ieu
Quand un Juif, brisé, pousse un cri, D.ieu lui répond.
C’est, en effet, en mettant de côté son ego qu’il prépare
la délivrance.
En l’occurrence, les enfants d’Israël ne supportaient plus la souffrance
physique. Et, leur cri mit en éveil la miséricorde divine. En
effet, D.ieu considère chaque Juif comme Son fils unique. Or, quand un
enfant crie, quelle qu’en soit la raison, son père fait tout ce qui est
en son pouvoir pour le réconforter.
Le cri et la Techouva d’Israël conduisirent D.ieu à déléguer
Moché pour les libérer. De même, le cri et la Techouva feront
que D.ieu envoie notre juste Machia’h, qui révélera la délivrance
future.
On sait que le Tséma’h Tsédek, de façon générale,
ne se servait pas de la Kabbala pratique. Il ne répondait pas aux questions
de Torah et n’interrogeait pas D.ieu à travers un rêve. Une fois,
pourtant, peu après son mariage, il fut étonné de constater
que le verset dit: "Ils ont lancé un cri", alors que la Haggada
est formulée de la manière suivante: "Nous avons lancé
un cri". Voulant élucider cette question, il décida de le
faire par un rêve.
La réponse qu’il obtint fut celle-ci. Le Zohar emploie les deux termes
à la fois.
Je serai Celui que Je serai
Commentant le verset " Je serai Celui que Je serai", Rachi
explique: " Je serai avec vous dans votre détresse actuelle
et Je serai avec vous dans vos exils et vos persécutions à venir".
Quand Moché eut une apparition de D.ieu, dans le buisson ardent et reçut
la mission de libérer le peuple d’Israël de l’Egypte, il Lui dit:
"Si je me rends auprès des enfants d’Israël et leur dis: ‘le D.ieu
de vos Pères m’a envoyé vers vous’, ils me répondront:
‘Quel est Son Nom?’. Que devrai-je leur répondre?". Et, D.ieu répondit
à Moché: "Je serai Celui que Je serai. Dis aux enfants d’Israël:
‘Je serai’ m’a envoyé vers vous".
L’attribution d’un nom est une définition, une description. D.ieu, Qui
est infini, indéfinissable, ne peut donc pas recevoir de Nom. Et, de
fait, Il n’a pas un Nom, mais plusieurs Noms, correspondant à différents
Comportements, les multiples facettes de l’influence qu’Il exerce sur nos existences.
Selon les termes du Midrach, "D.ieu dit à Moché: Tu veux connaître
Mon Nom? En fait, Je suis appelé en fonction de Mes actions. Mon Nom
peut être Kel, Cha-daï, Tseva-ot, Elokim
ou Havaya. Quand Je juge Mes créatures, Je M’appelle Elokim.
Quand Je lutte contre les impies, Je suis Tseva-ot. Quand Je supporte
les fautes de l’homme, on M’appelle Kel Cha-daï. Quand J’éprouve
de la compassion pour Mon monde, Je suis appelé Havaya. "
Telle est donc la signification profonde de la question des enfants d’Israël,
anticipée par Moché.
Ceux-ci lui demanderaient sûrement: "Quel est Son Nom? Quel comportement
de D.ieu peut-on constater, à l’heure actuelle? Tu dis qu’Il "a observé
la souffrance de Son peuple en Egypte, qu’Il a entendu leur cri et a connaissance
de leur souffrance, qu’Il t’a envoyé pour nous libérer. Mais,
où était-Il jusqu’à maintenant? Que faisait-Il pendant
les quatre vingt six ans de notre âpre exil, alors que les bébés
sont arrachés à leur mère et précipités dans
le Nil, que le Pharaon se baigne dans le sang des enfants? Quel Nom porte-t-Il
maintenant, après ne pas avoir eu du tout de Nom, pendant quatre vingt
six ans d’absence de nos vies?".
Comme nous l’avons dit, chaque Nom de D.ieu correspond à l’un de ses
Attributs, dont Il fait le choix pour entrer en relation avec la création.
Ainsi, Elokim décrit la révélation de D.ieu à
travers l’Attribut de justice et Avaya, à travers celui de la
compassion. Et, Ehyé, "Je serai", est le Nom par lequel D.ieu
se fait connaître à Moché, lui signifie Son Existence. De
ce fait, certains Sages se demandent si Ehyé doit être compté
parmi les Noms sacrés.
La Halakha interdit d’effacer le Nom de D.ieu. En effet, l’encre et le papier
ou tout autre élément intègrent effectivement la Sainteté,
par l’intermédiaire de sa représentation ou de tout ce qui est
lié au Divin.
Les multiples facette de l’intervention divine dans la création sont
décrites par un grand nombre de Noms et d’adjectifs. Il est, toutefois,
sept Noms auxquels s’appliquent pleinement les termes de cette Halakha.
En l’occurrence, Ehyé est un Nom de D.ieu particulièrement
élevé. Pour autant, il ne fait pas partie des sept Noms, mentionnés
par le Talmud et il n’est donc pas retenu par la Halakha. Il n’est pas, à
proprement parler, considéré comme un Nom Sacré.
Pour expliquer ce paradoxe, nous préciserons, au préalable, la
notion de Sainteté. Comment l’acquérir? En Hébreu,
Kadoch, saint, signifie également transcendant, séparé.
D.ieu est saint, car Il transcende la réalité du monde. Le Chabbat
est saint, car il marque un retrait par rapport à l’existence quotidienne.
Un Séfer Torah ou une paire de Tefilin sont saints, car ces objets, de
manière évidente, transcendent la matière et sont consacrés
au service de D.ieu.
Il en est de même pour les sept Noms de D.ieu. Chacun décrit une
activité divine transcendant la norme du monde, Son intervention au sein
de la réalité. D.ieu est donc Celui Qui dirige, Celui Qui juge,
Celui Qui donne, Celui Qui sauve. Ehyé, par contre, fait référence
à l’existence de D.ieu, à l’essence de la réalité.
Ce Nom dépasse donc la notion de sainteté, correspondant à
la transcendance de D.ieu. Il fait référence à l’Essence
de D.ieu, si élevée, que, par rapport à Elle, aucune distinction
ne peut être faite entre ce qui est saint et ce qui est profane.
Pour autant, Ehyé reste un Nom et, à ce titre, il décrit
bien une action de D.ieu. En effet, le concept de Son Existence est une partie
de la création. Or, D.ieu ne peut pas être défini par ce
qu’Il a Lui-même créé. En conséquence, D.ieu " existe",
au sein de la création, uniquement dans la mesure où il est Celui
Qui donne, Celui Qui dirige. Tous ces Noms ne font pas référence
à Son Essence, mais à une certaine perception de Lui, à
laquelle Il nous permet d’accéder en orientant notre réalité
d’une certaine manière.
A la question "Quel est Son Nom?", D.ieu répondit à Moché:
"Dis aux enfants d’Israël que Mon Nom est ‘Je serai’. Où étais-Je
pendant toutes ces années? Mais, avec vous ! Je suis l’Etre, Je
suis l’Existence, Je suis la Réalité. Je suis dans la plainte
de l’esclave battu, dans les sanglots de la mère à qui l’on a
ôté son enfant, dans le sang versé de l’enfant assassiné.
Certains événements, aussi douloureux et incompréhensibles
qu’ils apparaissent à nos intellects humains, sont nécessaires
pour la réalisation d’objectifs infiniment grands. Mais, Je ne me retire
pas dans le ciel, pour mettre en ordre ces événements. Je ne suis
pas ‘saint’ et retiré des douleurs de votre existence. Je suis là,
présent avec vous, priant pour la rédemption en même temps
que vous.
Et, si vous ne Me voyez pas, ce n’est pas parce que J’échappe à
la réalité, mais, bien au contraire, parce que Je suis la réalité
véritable. "
Il se souvint de Son alliance
Le Midrach rapporte les propos de D.ieu:
"Si J’observe leurs actions, ils ne pourront pas être libérés.
Je tournerai donc Mon regard vers les saints Patriarches. Par leur mérite,
Je sauverai leur descendance".
Le salut d’Israël ne fut donc pas décidé du fait de leur
plainte, mais bien à cause de l’alliance, par le souvenir des Patriarches.
D.ieu vit notre souffrance
Oni, la souffrance, est de la même étymologie que
Inouï, la torture. De fait, le bouleversement de la vie familiale
peut effectivement être qualifié de torture.
Le Pharaon interdit aux enfants d’Israël de dormir dans leur maison et
il justifia sa requête de la manière suivante:
"Quand nous irons vous chercher chez vous, le matin, il nous faudra perdre une
ou deux heures de travail. Dès lors, vous ne serez plus en mesure d’achever
les quotas quotidiens".
Notre souffrance: C’est la bouleversement de la vie
familiale
Le but du Pharaon était d’empêcher les enfants d’Israël
de procréer. Il se dit qu’il obtiendrait un tel résultat en les
empêchant de rentrer chez eux.
Mais, D.ieu "vit" cette "souffrance" et Il permit qu’ils puissent, néanmoins,
avoir des enfants, ainsi qu’il est dit: " Je t’ai conçu sous
le pommier".
"Et, notre effort": Ceci fait allusion aux enfants
Quelle relation y a-t-il entre l’effort et les enfants? En fait, le
texte considère comme une évidence qu’un effort est nécessaire
pour leur donner une bonne éducation, que les parents ne peuvent se contenter
d’un strict minimum, en la matière. C’est uniquement à ce prix
qu’ils conduiront leurs enfants, par la suite, à désigner D.ieu
du doigt, en disant: "Il est mon D.ieu et je veux L’honorer".
L’éducation des enfants est effectivement un "dur labeur". Pour leur
faire acquérir les valeurs de la Torah, il faut investir des pensées,
des efforts et de la patience. Pour autant, miser sur leur avenir leur apportera
les forces nécessaires pour surmonter les épreuves de l’exil.
Ainsi, au même titre que ceux qui furent éduqués en Egypte,
ces enfants seront ceux qui reconnaîtront D.ieu les premiers, lors de
la délivrance complète.
Chaque garçon qui naîtra, tu le jetteras dans
le fleuve et chaque fille, tu la feras vivre
Le Pharaon ne dit pas: " Laissez vivre les filles juives".
Bien au contraire, il demanda: "Faites les vivre vous-mêmes".
Ainsi, le décret d’extermination du Pharaon, émis à l’encontre
du peuple d’Israël, avait une double portée. Il fallait, d’une part,
précipiter tous les premiers-nés garçons dans le Nil et,
d’autre part, "faire vivre" les filles. En d’autres termes, l’assassinat des
garçons était physique et celui des filles, moral. Ces dernières
devaient adopter le mode de vie égyptien. On devait les initier à
la perversité qui caractérisait ce pays.
Il en résulte que, si les garçons étaient physiquement
jetés dans le Nil, les filles l’étaient aussi, mais dans la dimension
morale et non dans l’action concrète.
Le Nil irriguait les champs de l’Egypte, sur laquelle la pluie ne tombait jamais.
Ce fleuve était à l’origine de sa prospérité économique
et tous le vénéraient comme un dieu. Les filles devaient donc
être élevées dans le culte de ce fleuve, adhérer
à un mode de vie déifiant la subsistance matérielle qui
provient de la terre.
De nos jours, vingt quatre siècles après le décret du Pharaon,
la pratique consistant à précipiter des enfants dans le Nil existe
encore. Pour certains parents, le critère principal, dans le choix d’une
école pour leurs enfants, est la perspective qu’ils pourront en attendre,
quand ils se trouveront sur le marché du travail.
Le peuple d’Israël survécut à l’exil d’Egypte, parce que
les mères juives refusèrent le décret du Pharaon et ne
noyèrent pas leurs enfants dans le fleuve. Pour survivre à l’exil
actuel, nous devons donc également résister aux diktats des " pharaons "
actuels. Le développement moral des enfants est le but véritable
de l’éducation, plus que leur future capacité de gagner leur vie
ou de faire carrière.
L’enfant berger
Comme on le sait, la mère de Moché, pour le sauver du décret
du Pharaon selon lequel chaque garçon nouveau-né devait être
précipité dans le Nil, plaça l’enfant, âgé
de trois mois, dans un panier, qu’elle laissa parmi les joncs poussant près
de la rive. La fille du Pharaon, venue se baigner dans le fleuve, découvrit
l’enfant qui sanglotait, l’adopta et l’éleva dans le palais royal.
Néanmoins, un détail de ce récit introduit une confusion.
Où fut exactement placé le panier de Moché? La Torah
dit: "Elle le plaça parmi les joncs, sur le bord du fleuve", ce
qui veut dire que Moché ne fut pas posé directement sur le Nil,
mais bien sur la rive. Malgré cela, la Torah ajoute, quelques versets
plus loin, que la fille du Pharaon appela l’enfant Moché, textuellement
"celui qui a été tiré", précisément "parce
que je l’ai tiré de l’eau".
La Torah est le plan d’architecte par lequel D.ieu créa le monde. Chacun
de ses détails revêt une importance capitale, dans notre vie. Si
elle nous dit que la mère de Moché le plaça sur la rive,
cela veut bien dire qu’elle n’aurait pas pu le mettre directement sur le Nil
et si elle précise que la fille du Pharaon le "tira de l’eau", il
faut en conclure qu’il devait nécessairement se trouver là, à
cet instant précis.
Et, puisque la Torah prend la peine de nous raconter tout cela, nous devons
penser que ces éléments sont déterminants pour notre compréhension
de l’événement et de son implication, dans la période actuelle.
Le Rav Yossef Rosen, le Gaon de Ragatchov, développe une explication
halakhique du changement de place de ce panier.
La mère de Moché ne pouvait pas le placer sur le Nil lui-même,
car celui-ci était déifié par les Egyptiens. Or, il est
interdit de se servir de tout ce qui est voué à l’idolâtrie,
y compris pour sauver sa vie. Mais, la Halakha précise également
que, si un idolâtre renonce à son idole, ce statut est retiré
à cet objet, de sorte que celle-ci peut alors être utilisée.
Nos Sages précisent que la fille du Pharaon "descendit dans le fleuve
pour se baigner", non seulement au sens physique, mais également "pour
se purifier des idoles de son père". En renonçant au paganisme
de l’Egypte, elle fit perdre au fleuve son statut idolâtre. Par la suite,
ses eaux purent recevoir Moché et c’est alors que son panier flotta sur
le Nil.
Pourquoi était-il important que Moché se trouve sur le Nil?
Selon le Midrach, les astrologues de l’Egypte avaient annoncé au Pharaon
que "le sauveur d’Israël connaîtra sa fin du fait de l’eau". C’est
précisément pour cela que ce monarque avait promulgué un
décret, faisant obligation de jeter dans le fleuve tous les nouveau-nés
garçons. Puis, quand Moché se trouva sur l’eau, les astrologues
ajoutèrent: " Le sauveur d’Israël a d’ores et déjà
été précipité dans l’eau". En conséquence,
l’entrée de Moché dans le Nil marqua la fin du décret du
Pharaon.
Comme on l’a dit, il y avait très peu de pluie, en Egypte. L’agriculture
était donc totalement dépendante du Nil, dont les crus emplissaient
les canaux d’irrigation. C’est pour cette raison que les Egyptiens, dans l’antiquité,
déifièrent ce fleuve, qu’ils considéraient comme la source
ultime de leur subsistance et l’origine de leur existence.
Telle était donc la signification profonde du décret du Pharaon,
demandant de précipiter les enfants d’Israël dans le Nil. Le Pharaon
savait que si la génération à venir était d’emblée
immergée dans le culte du Nil, habituée à considérer
les éléments naturels de la subsistance comme des dieux, il parviendrait
à faire disparaître la foi d’Israël. De la sorte, il ferait
taire définitivement le message d’un D.ieu Unique, Créateur et
Source de tout être. En effet, cette idée constituait un danger
véritable pour le polythéisme païen.
On peut considérer que le service du Nil est aussi important, de nos
jours, qu’à l’époque des Pharaons. Le Nil de notre époque
est un diplôme universitaire, une carrière, une position sociale,
tout ce qui est vénéré et considéré comme
étant à l’origine de la subsistance et de la vie.
En réalité, il n’y a là que des instruments permettant
de satisfaire ses besoins, tout comme le Nil n’était qu’un moyen de révéler
la bénédiction de D.ieu, pour ceux qui résidaient près
de ses rives. Néanmoins, quand on confond le réceptacle et sa
source, quand on immerge sa personne dans le Nil, investissant les meilleures
forces de sa personnalité dans le perfectionnement de cet instrument,
plutôt que dans le développement de sa relation avec D.ieu, on
commet effectivement un acte idolâtre!
Ainsi, Moché fut le "berger fidèle" de la foi d’Israël, celui
qui sut la révéler de la manière la plus éclatante.
Il est aussi le " berger de la foi", celui qui nourrit son troupeau
de cette foi. En effet, sa mission première consista à la porter
à maturation, à la développer, à l’approfondir,
afin de la pénétrer de la connaissance de D.ieu, de la conscience
que "il n’est nul autre que Lui", que tous les "Nils" du monde ne sont pas des
forces ou des réalités indépendantes, mais uniquement des
véhicules de l’influence divine.
Moché avait quatre vingt ans quand il fit sortir les enfants d’Israël
d’Egypte, les conduisit vers le mont Sinaï, les fit accéder à
la perception véritable de D.ieu, la Torah. En revanche, c’est dès
l’âge de trois mois qu’il fut un "berger de la foi", puisqu’il contribua
à détrôner l’idole de l’Egypte et à mettre un terme
à l’assassinat des enfants d’Israël, dans les eaux du Nil.
Les maîtres de la Kabbala précisent que certains Justes vécurent
toute leur vie comme des poissons dans l’eau, totalement immergé dans
la conscience permanente de D.ieu et l’attrait perpétuel pour Sa réalité.
Moché appartenait à cette catégorie et, de fait, son nom
exprimait la nature aquatique de son âme, "parce que je l’ai tiré
de l’eau".
Et, la Torah porte témoignage que Moché "était l’homme
le plus humble de la terre". Certes, Moché avait conscience de sa propre
grandeur. Il savait qu’il était le seul être humain, choisi par
D.ieu pour révéler Sa Sagesse et Sa Volonté aux hommes.
Pour autant, il ne considérait pas ses qualités comme des accomplissements
personnels. Il avait fait totalement disparaître son propre ego et il
était profondément immergé dans la mer de la réalité
divine.
Sa vie n’était qu’accomplissement du Dessein divin. Il n’était
lui-même qu’un réceptacle dépourvu de toute identité
propre. Ses enseignements n’étaient que l’expression de la Parole divine,
par sa gorge.
Moi et non un ange
Non seulement les anges n’auraient pas été en mesure de
libérer les enfants d’Israël, mais, bien plus, s’ils étaient
descendus en Egypte, ils auraient été victimes de l’impureté
de cette contrée. Seule l’Essence de D.ieu put être confrontée
à une souillure aussi importante et, malgré cela, parvenir à
libérer les enfants d’Israël.
En effet, tous se trouvaient alors plongés dans la matérialité
de l’Egypte. Pour faire la transition entre l’obscurité profonde et l’immense
clarté, ils durent recevoir un puissant flux de Lumière divine,
qui prépara pour eux le passage de la mer Rouge et le don de la Torah.
De même, D.ieu aurait pu vaincre les Egyptiens de différentes manières.
Malgré cela, Son profond amour pour Israël fit qu’Il intervint Lui-même
dans ce pays. En agissant de la sorte, Il délivra un enseignement à
chacun. Celui qui vient en aide à un autre Juif doit le faire par toute
son énergie, en ne s’épargnant aucune peine.
Bien plus, on ne peut pas déléguer quelqu’un d’autre pour sauver
celui qui se trouve en " Egypte". On doit le faire personnellement.
C’est ainsi qu’à chaque époque, les Justes se consacrent pleinement
aux Juifs les plus simples. Il en ont la force précisément parce
que D.ieu se rendit Lui-même en Egypte, afin de libérer les enfants
d’Israël.
Un exemple
En délivrant Lui-même les enfants d’Israël de l’Egypte,
D.ieu donna un enseignement à Ses enfants.
Quand un Juif se trouve exilé en Egypte, chacun est personnellement tenu
de se rendre près de lui, de lui prêter main forte et de le conduire
vers la rédemption finale.
Incluez-moi également
Le verset (Chemot 8, 24) rapporte: "Le Pharaon dit: Je vous
laisserai partir. Faites des sacrifices à votre D.ieu dans le désert,
mais ne vous éloignez pas. Priez également pour moi".
Un ‘Hassid formula la remarque suivante:
"L’âme animale de l’homme est à l’origine de sa conscience de sa
propre personne et de ses désirs physiques. Elle sait qu’il est insensé
de vouloir dissuader l’homme de servir son Créateur. En conséquence,
quand un Juif souhaite prier, elle ne cherche pas à l’en empêcher.
Elle transforme uniquement cette prière en un acte égoïste."
Tel est précisément le discours du Pharaon:
"Allez de l’avant et servez votre D.ieu ! Toutefois, n’allez pas trop loin.
Ne perdez pas la mesure du monde dans lequel vous vivez. Et, incluez-moi également
dans votre prière. N’oubliez pas mes propres besoins."