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Site
des fêtes juives
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Dans
la Synagogue de Rabbi Baruch, il y avait un homme qui méritait vraiment
le nom de "Baâl Tokéa" (maître du Choffar). Tout le monde
le connaissait sous le nom de "Reb Yankel Baâl Tokéa". Il
maniait son Choffar noir et rugueux avec la tendresse d'une mère pour son
petit enfant. Pendant tout le mois d'Eloul Reb Yankel plongeait le Choffar
dans du vinaigre pour le "roder". Il s'exerçait tous les jours pour
le moment solennel des sonneries de Roch Hachanah.
Vous pouvez donc vous imaginer avec quelle fierté, lorsque Roch Hachanah
arriva, Reb Yankel monta sur la Bimah pour sonner le Choffar. Plein d'une
sainte inspiration, il le porta à ses lèvres, mais aucun son n'en sortait,
malgré tous ses efforts. Tout le monde était abasourdi. Il était
incompréhensible qu'une chose pareille pût arriver à Reb Yankel, le
meilleur Baâl Tokéa qu'ils eussent jamais connu. Reb Yankel essaya
à nouveau de taire retentir le Choffar, mais tous ses efforts furent vains.
A cet instant, Rabbi Baruch monta à la Bimah, prit le Choffar et le dirigea
vers le ciel. Les sons de Tekiah, Chevarime, Terouah, Tekiah, se firent aussitôt
entendre pour finir sur un ton long et soutenu. Tous les fidèles qui étaient
présents eurent le sentiment que quelque chose d'extraordinaire était
arrivé, que la voix du Choffar avait traversé les murs de la
Synagogue et était allé plus loin.
Ils étaient encore sous le coup de la surprise lorsque la porte de
la Synagogue s'ouvrit. Un jeune homme, les vêtements déchirés,
l'écume à la bouche et le regard perdu, y entra. Il se dirigea vers
Rabbi Baruch qui tenait toujours le Choffar dans la main, et s'agenouillant
devant lui il s'écria :
"Rabbi, vous m'avez sauvé. Vous m'avez ressuscité!".
Des larmes de joie coulaient sur ses joues pâles. Ceux qui étaient
témoins de cette scène extraordinaire et bizarre, restèrent bouche
bée. Ils pensaient bien que ces deux événements étaient
liés d'une façon ou d'une autre, mais n'étaient pas capables
de saisir le sens de ce qui s'était passé sous leurs yeux.
Enfin, Rabbi Baruch demanda le silence et dit:
- Je vois que vous êtes impatients de savoir ce qui s'est passé ce
matin. Pour que tant d'efforts de Reb Yankel pour faire retentir son bon vieux
Choffar eussent été vains, il fallait certainement, me suis-je
dit, que pour une raison spéciale, le Katégor -l'accusateur,
en empêchât le fonctionnement. En effet, je m'aperçus que, dans les sphères
supérieures, la Cour Suprême s'apprêtait à condamner une âme juive.
Je vis l'accusateur ricaner et son horrible rire devenait de plus en plus
sinistre au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient sans que
le Choffar pût résonner. La pensée qu'une âme juive allait être
condamnée - que Dieu nous en préserve - me donna une énergie
nouvelle et je soufflai de toutes mes forces dans le Choffar pour que le silence
mortel fût rompu par ses notes sacrés. Et maintenant, jeune homme,
veuillez nous raconter ce qui vous est arrivé.
L'homme se leva et toujours essoufflé il dit:
- Chers Juifs, l'âme que Rabbi Baruch a sauvée, est la mienne. Quand
j'étais enfant, je fus enlevé de la maison de mon grand-père,
qui était un homme très pieux et m'avait appris tout ce qu'un enfant
juif doit savoir. Mes ravisseurs me conduisirent dans un monastère et firent
l'impossible pour me faire oublier ce que ja savais du Judaïsme. D'abord je
résistai avec obstination, mais plus tard, en grandissant, je commençai
à oublier. Enfin mes surveillants décidèrent que j'étais prêt
à la conversion et ils m'emmenèrent à l'église de cette ville. De hauts
dignitaires ecclésiastiques étaient venus pour assister à la
cérémonie. Je m'avançai vers le prêtre, lorsque j'entendis le
son du Choffar qui me rappela tout ce que mon grand-père m'avait appris. Je
pris la fuite, me dégageant de toutes mes forces de la foule surexcitée,
et je vins ici.
Plus tard, ce jeune homme fut un des plus grands et des plus célèbres
disciples de Rabbi Baruch.
Extrait de Conversation avec les Jeunes 5744 N° 361