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Site
des fêtes juives
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Nous allons vous raconter une très belle histoire. C'est
une histoire vraie, elle eut lieu à l'époque du roi de Pologne, Poniatowski,
il y a de cela très longtemps. (Stanislas August Poniatowski, 1732 - 1798
? )
A une réunion du conseil de la cour royale, un noble polonais relata
un jour que dans un de ses villages une jeune chrétienne avait disparu
juste avant la fête israélite de Pessa'h. La déduction s'imposait
d'elle-même : nul doute que les Juifs l'avaient tuée à des fins rituelles.
Et le noble de requérir contre ces derniers l'expulsion impitoyable
du pays et la confiscation de leurs biens au profit du trésor royal.
Stanislas
August Poniatowski |
Le
roi, de naturel débonnaire, fut horrifié par ce récit.
Il demanda à ses conseillers si l'accusation leur paraissait fondée.
Dans l'affirmative, il consentirait à prendre un décret si sévère.
Les nobles qui, selon l'usage, devaient le signer eux aussi, semblaient
unanimes. Pourquoi en faire un tel cas de conscience? Les Juifs étaient
bel et bien coupables.
Le décret préparé, les conseillers se réunirent
pour la signature. Et ils signèrent, nombreux. A un moment, ce fut le tour
de Wladek, l'un des nobles les plus écoutés du conseil. Il
demeura pensif. La plume à la main, il hésitait depuis plusieurs
minutes. Soudain, il se leva. Son visage était très pâle. D'une voix
altérée par l'émotion il dit :
- Je ne peux signer un décret basé sur une accusation dont
la fausseté ne fait aucun doute pour moi. Vous savez tous que j'ai
été Juif avant de me détourner de la foi de mes ancêtres.
Les lois et les coutumes juives n'ont donc pas de secrets pour moi. On peut
en dire ce qu'on veut, mais une chose est sûre, tout à fait sûre: le sang
est interdit aux Juifs pour quelque usage que ce soit; et les accusations
de meurtre rituel portées contre eux s'expliquent par toutes sortes
de raisons, hormis celle qu'on a inlassablement avancée et qui est
sans fondement aucun.
Les conseillers, stupéfaits, le regardèrent. Ils ne comprenaient
pas que leur collègue fît preuve tout d'un coup d'une telle rigueur. N'avait-il
pas, en différentes occasions dans le passé, pris part lui-même
à des décisions d'une cruauté sans égale contre les
Juifs? Ils avaient toujours été sa cible préférée.
Et voilà que soudain il se faisait leur ami et leur défenseur. Mais
la réaction du roi fut différente. Son naturel bon le rendait
sensible aux paroles émues et si directes de son conseiller. En dépit
de la détermination des autres nobles, il décida de considérer
le décret comme nul et non avenu.
Les Souvenirs d'Enfance
A partir de ce jour, Wladek changea. Cette réunion du conseil royal,
au cours de laquelle ses collègues avaient essayé de monter un complot
affreux sous forme d'une nouvelle accusation de meurtre rituel contre les
Juifs, avait éveillé en lui un trouble profond qui ne lui
laissait plus de répit. Il s'en était fallu de peu que le
cruel décret vît le jour. Son intervention opportune avait déjoué
la machination. Mais le danger passé, l'émotion subsistait
en lui. Des souvenirs d'enfance qu'il avait oubliés remontaient intacts
du fond de sa mémoire. Il se souvint du 'Hédère, de la Yechivah,
de ses maîtres, de ses camarades et amis. Il se revit au jour de son mariage,
puis à ses premiers voyages d'affaires...
Il avait réussi dans la vie, les nobles les plus riches étaient
devenus ses amis. Puis la rencontre avec la veuve d'un baron illustre...
tournant décisif! Il avait rejeté sans le moindre scrupule
femme et enfants, et épousé la baronne! Il avait du même coup
abjuré sa foi. Velvel, le jeune homme modeste et effacé, était
devenu Wladek, le Comte Sauvage, traître à son propre peuple.
Des jours durant, Wladek fut tourmenté par ses pensées. Jusqu
a ce que, n'en pouvant plus, il prit la résolution, quoi qu'il advînt,
de réparer tant d'années d'erreurs, et de revenir à la foi
de ses pères. Mais l'entreprise n'était guère aisée, elle
comportait de graves dangers tant pour lui que pour tous les Juifs. Comment
à la fois agir comme il en avait l'intention, et ne pas y exposer les siens?
(Il était interdit à un chrétien d'abandonner sa foi,
et à quiconque de l'aider. On condamnait à mort pour nmoins
que ça...)
Finalement il se souvint d'un Rabbin célèbre qui vivait dans l'une
des villes soumises à son autorité, et dont on vantait les vertus
extraordinaires.
Wladek ne perdit pas de temps.
Prétextant une partie de chasse, il se mit en route. En chemin, alléguant
une course urgente dans une agglomération proche, il se débarrassa
de son compagnon de chasse et se dirigea vers la ville où résidait
le Rabbin. Il s'était arrangé de sorte à y arriver vers minuit.
Il s'arrêta à une auberge, s'informa de l'adresse du Rabbin et s'y rendit
sur-le-champ.
Le saint homme était plongé dans l'étude quand le comte
entra. Sans perdre de temps, ce dernier conta son histoire, et d'une voix
émue demanda instamment au Rabbin de l'aider à reprendre sa place
parmi ses frères.
Une telle demande surprit fort le Rabbin. Avait-il affaire à un provocateur?
Le visiteur paraissait sincère; mais l'était-il vraiment? Il y avait
un grand danger à le croire, car cela l'engagerait dans une action pleine
de risques: la loi du pays interdisait de convertir un Gentil ou même d'aider
un juif renégat à revenir à la foi de ses pères. Préférant
la prudence, il lui répondit qu'il ne pouvait l'aider en aucune manière
et que, de plus, avec une telle idée, le comte était susceptible
de provoquer des ennuis sérieux à ceux-là mêmes qu'il appelait ses
frères.
Le Miracle
Celui-ci, loin de se décourager, entreprit de persuader le Rabbin
qu'il était parfaitement sincère. Il avait pris la résolution
de se repentir; en conséquence il était prêt à faire tout
ce que le Rabbin jugerait bon de lui ordonner.
Toujours en proie au doute, ce dernier s'écria en désignant
la canne que. son interlocuteur tenait à la main: "Quand cette canne
bourgeonnera, j'aurai la preuve que votre repentir est bien sincère...".
Le comte jeta un regard attristé sur sa canne, puis la posa dans
un coin de la pièce. Mais soudain pâle et ému il bondit de sa chaise,
incapable de proférer un son. Il ne pouvait que désigner la
canne d'un doigt tremblant.
Le Rabbin regarda dans cette direction et, n'en croyant pas ses yeux, aussitôt
se leva brusquement lui aussi. Des bourgeons verts avaient poussé
sur la canne comme sur un abrisseau au printemps! D.ieu venait d'accomplir
un miracle dans le but de sauver une âme juive! Le Rabbin ne doutait plus.
Il expliqua à son visiteur comment il devait s'y prendre pour retrouver
sa place au sein de son peuple, et lui donna sa bénédiction.
Quelques jours plus tard, le comte partit de nouveau à la chasse, ou du
moins le feignit-il. Mais cette fois son cheval revint sans son maître,
et chacun pensa que celui-ci avait péri dans quelque accident. Tandis
que les soldats se mettaient à sa recherche dans la forêt, un faux mendiant
allait de village en village, traversant les pays jusqu'à ce qu'il fut arrivé
en Hollande, pays libre.. Puis il prit la direction d'Amsterdam, la capitale.
Arrivé là, il se rendit aussitôt chez le Rabbin. Et Velvel, connu
précédemment sous le nom de Comte Wladek, redevint un Juif
d'une dévotion exemplaire. Et il vécut dans la paix de l'âme
jusqu'à la fin de ses jours.
Extrait
de Conversation avec les Jeunes 5744 N° 370