Les fêtes juives
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Convoqué devant le tribunal céleste pour témoigner

Il y avait à Oria en Italie, une communauté juive dont l'origine remontait à la destruction du Temple et qui s'était constituée des prisonniers de guerre que Titus avait ramenés sur ses galères de Jérusalem.
Avec le temps, les Juifs s'étaient adaptés à leur vie d'exilés. Ils demeuraient fermement attachés à la Torah et à ses commandements, tout en observant le deuil du Temple détruit et en attendant le Messie libérateur.
Ainsi, huit siècles s'écoulèrent. Soudain, de lourds nuages s'annoncèrent à l'horizon de la destinée juive dans l'empire de Byzance {4628), qui dominait à cette époque une grande partie du monde. C'était sous le règne de Basil I, qui, sous l'impulsion de son fanatisme religieux, s'efforçait de répandre le christianisme par le glaive et le feu. Il opprimait les Juifs avec férocité, dépêchant ses compagnies armées dans tous les recoins de son vaste empire avec mission d'y contraindre les Juifs à l'abandon de la Torah et au baptême,
A Oria, la terreur régnait à la nouvelle des cruautés de l'empereur Basil.
Il y avait alors à la tête de la communauté trois frères, grands savants tous trois: Rabbi Chefatiah, Rabbi 'Hananel et Rabbi Eliézère, dont le père, Rabbi Amitaï, avait été une très haute personnalité.
Rabbi Chefatiah dont la renommée n'allait tarder de se répandre de par le monde, était le plus savant et le plus capable des trois. Mais c'est ensemble qu'ils multiplièrent leurs efforts auprès de leurs frères, sous l'épreuve, pour ranimer leur courage et les fortifier dans leur résolution de fidélité à la Torah.
Et un jour, les prévisions de la peur se muèrent en réalité. Les soldats de Basil vinrent à Oria. Ils étaient porteurs d'une lettre personnelle de l'empereur à l'adresse de Rabbi Chefatiah, où celui-ci, après avoir été vanté par sa réputation de haute sagesse, était invité à se rendre auprès de l'empereur à Constantinople.
Etonnante missive où le cruel empereur s'engageait à garantir le destinataire contre toute atteinte au cours de son voyage, à l'aller comme au retour!
Force fut à Rabbi Chefatiah de se rendre à l'invitation impériale. II s'embarqua en compagnie d'une escorte de gens d'armes et d'officiers.

Devant l'Empereur
A son arrivée à Constantinople, il fut reçu par Basil avec des honneurs et se vit entraîné aussitôt à d'importants entretiens sur des sujets métaphysiques et religieux. Pour démontrer la supériorité de l'Eglise sur le Judaïsme, l'Empereur eut recours, entre autres, à l'argument que voici : «La seule cathédrale de Byzance est infiniment plus belle que ne le fut le Temple de Salomon, et mieux fourni aussi en trésors d'or et d'argent».
Rabbi Chefatiah y répliqua en réclamant une Bible et en démontrant, textes en mains, que l'évaluation objective des bois et métaux précieux dont le roi Salomon usa à la construction du Temple de Jérusalem dépassait de beaucoup celle qu'autorisait la cathédrale de Byzance.
L'Empereur se laissa convaincre par les chiffres et se montra surpris de constater que le Temple du petit Etat de Judée avait dépassé en valeur la grande Eglise de Constantinople, capitale du plus puissant et du plus riche Etat du monde.
II en vint à honorer d'autant mieux son hôte, organisa des réceptions en son honneur et alla même jusqu'à faire forger et ciseler une vaisselle d'or toute neuve pour Rabbi Chefatiah, atin qu'il puisse déposer les fruits et noix dont se nourrissait, sans avoir quelque impureté à craindre.
L'empereur Basil avait une fille unique, très jeune encore, qu'il aimait davantage que la prunelle de ses yeux. Cette enfant était atteinte d'une maladie mentale et avait sombré dans la mélancolie. Tous les soins que les médecins du roi lui avaient prodigués, s'étaient avérés vains. Dans son désespoir, l'empereur avait décidé d'en appeler à Rabbi Chefatiah, sachant de réputation que le grand savant juif connaissait à merveille la médecine et la thérapeutique hébraïques.

Voilà quel avait été le véritable motif de l'étonnante invitation qu'il lui avait adressée, et des surprenantes délicatesses dont présentement il l'entourait.

Une guérison Miraculeuse.
Priant de nuit et soignant de jour, Rabbi Chefatiah eut la satisfaction de voir la petite malade recouvrer peu à peu la santé. Un beau jour, sûr de sa guérison, il l'amena devant ses parents royaux, dont le bonheur fut indescriptible.
Cette heureuse guérison incita l'empereur à redoubler de prévenances auprès de son hôte juif et lui suggéra en même temps le désir de se l'attacher comme médecin du palais et conseiller. Mais il lui fallait qu'à cette fin Rabbi Chefatiah accepta le baptême.
Il va de soi que toutes ses tentatives dans ce sens s'avérèrent vaines, face à la détermination du Rabbin et à son incorruptible fidélité. A force d'échecs, l'empereur en vint à éprouver une violente colère, et Rabbi Chefatiah de lui rappeler les termes de sa lettre et les garanties de sauvegarde qu'ils promettaient, exigeant du roi qu'il tînt parole. L'Empereur s'inclina et autorisa son hôte à reprendre la route du retour.
A l'heure des adieux, la reine fit compliment à Rabbi Chefatiah, non seulement pour sa haute science et ses grandes aptitudes, mais encore pour sa force de caractère et, à titre d'hommage, retira les boucles d'oreilles précieuses qu'elle portait ainsi qu'une ceinture toute tressée de pierres précieuses et les tendit à Rabbi Chefatiah en présent pour ses filles.
Désireux de rivaliser de générosité, l'empereur à son tour dit à Rabbi Chefatiah : «Demandez-moi la récompense de votre choix. Je puis vous nommer gouverneur de province, si vous le désirez».
Rabbi Chefatiah répliqua, les larmes aux yeux: «Je ne demande rien pour moi-même, Majesté. Mais plaise à votre Majesté d'accorder tolérance à mes malheureux frères pour lesquels la Torah et les commandements Divins ont plus d'importance que la vie».
Violemment irrité, l'empereur lui dit: «Si je n'avais engagé ma parole,.je t'aurais châtié sur le champ pour cette insolente requête. Mais, soit! Je vais donner des ordres pour que l'on ne moleste pas les tiens et ceux de ta communauté d'Oria. C'est tout ce que j'accepte de faire».
Il tint son engagement, mais redoubla de violences en proportion, à l'égard des malheureux Juifs de ses autres provinces, qu'il persécuta toute sa vie durant.


La Confrontation
De retour à Oria, Rabbi Chefatiah fut reçu en grande pompe par ses frères et les fidèles. Mais il se remit humblement à sa tâche quotidienne, faite d'études et de service Divin. Il atteignit un grand âge. Mais le jour vint où ses forces se mirent à décliner et où il lui devint vite difficile de se lever de sa couche.
Puis, ce fut Roch-Hachanah, et Rabbi Chefatiah fit un effort surhumain pour se lever et se rendre à la Synagogue. Les chefs de la communauté le prièrent instamment de sonner le Choffar comme à son habitude. Il ne put se dérober à l'invitation. D'une voix tremblante de faiblesse, il récita les bénédictions, puis approcha le Choffar de ses lèvres toutes pâles. Il fit des efforts surhumains, mais le son ne vint pas comme il eût fallu. Un autre dut le remplacer pour terminer le programme des sonneries.
On le raccompagna chez lui moribond. Ses frères et les chefs de la communauté se tinrent, le cœur brisé, à son chevet, dans l'attente de l'inévitable issue. Soudain, le vieillard se redressa sur sa couche, le visage illuminé de joie, et il dit :
«Chers frères! J'ai une excellente nouvelle à vous annoncer. Le méchant Basil vient de quitter ce monde. Les anges du châtiment sont en train de lui mettre les fers pour l'entraîner, en chaînes devant la Cour Suprême des cieux. Je suis convoqué comme témoin et dois être confronté avec ce méchant pour rendre compte du mal qu'il a fait à notre peuple».
Et, en ce.jour de Roch-Hachanah, après avoir prononcé ses ultimes recommandations de ferme fidélité à la Torah et aux Mitzvoth, Rabbi Chefatiah rendit à D.ieu son âme sainte et pure.
Quelques jours plus tard, la nouvelle de la mort de l'empereur Basil parvint de Constantinople. Selon la coutume, on avait indiqué, dans le communiqué officiel, le jour et l'heure du décès. C'était très exactement l'instant où Rabbi Chefatiah avait transmis son message à ses frères.

Lu dans  Paratsta Tsorfat, N° 34, Tichri 5767, à partir d'une histoire de Conversation avec les Jeunes.